On a pris un drôle de bahut à Quiberon. Déjà, on a fait la queue pour monter dedans, et ça, on n’a pas l’habitude. En plus, ça schlinguait à mort le préretraité en goguette, le gars bienheureux de se tirer du turbin, le bide en avant, le clébard au bout de la laisse et le caméscope dégainé déjà en train d’engranger de l’image bien pourrave sur le pont du raffiot.
Il a quand même de drôles de plans dans sa caboche, le Gonzague ! Est-ce que c’est un jeu pour des gonzes de notre âge, ça, d’aller faire le clochard avec la populace des pue-la-sueur de luxe qui s’en vont à Belle-Ile au pont de l’Ascension ? Breakfast in America, qu’ils chantaient les autres Super-tramps au temps de Berthe au Grand pied, enfin au temps ou le Roi pourpre et sa cour publiaient leurs galettes de vinyle chez Island records !
Mais je suis là à vous bonnir fissa le récit du voyage aller et je viens de gamberger que je ne vous ai même pas présenté l’ensemble des Pieds-Nickelés de l’équipée belliloise : Gonzague qui a fait réserver par sa secrétaire et par Internet une cahute au camping de l’océan, Hugues qui a commencé à faire du rébecca quand il a découvert dans la règle du jeu qu’il était exclu qu’on aille au gastos et ma pomme, le gars Brice (des Dieux !) qui ne rate jamais un rancart avec les deux autres mousquetaire de la distractation.
L’autre Croquignol nous avait mis au parfum mais je ne savais pas qu’on ferait ballon aussi vite ! Cent euros pour vivre quatre jours à Belle-Ile-en-mer, sans aucune Marie-Galante pour tenir le morlingue et allonger la fraîche, ça allait être une sinécure de Jouvence ! Un remake des Cinq sous de Lavarède-toi le ciel t’aidera, pour les celles et ceusses qui connaissent Paul D’Ivoi !
Côté loisirs, Gonzague avait demandé à ce qu’on emmène nos godillots de marche, ou plutôt à ce qu’on aille s’en acheter, vu que d’habitude, pour ce qui est d’user les ripatons, on a un chauffeur ! Pas question de louer sur place un de ces scooters Vespa colorés ornés de mousmés à loilpé ni même une caisse à savon rutilante, maquillée en cocinelle. Si on voulait se mettre un peu de becquetance sous la dent matin, midi et soir, valait mieux faire gaffe à nos éconocroques ! Le gîte était assuré mais pas le couvert. Et y’avait pas de cadeau bonus dans la lessive à la pogne !
Au camping le gus de l’accueil a bien voulu déponner notre cagna avant l’heure réglementaire qui eût dû être seize heures. De ce fait on a pu déposer notre barda dans les placards qui servent de chambres : sacs à dos pour Hugues et moi, valoche sous les yeux et derrière les fesses pour Gonzague. On s’est installés dehors pour biberonner à même la gourde du chef un coup de Château-la-Pompe amenée de Rennes. Tartines de calendos et banane écrasée dans le voyage, y’a pas à dire, ça vous change du Fouquet’s et de Lecoq-Gadby !
Gonzague, qui est un peu un dabe pour nous et qui a été scout d’Europe jadis, a repéré qu’il y avait une cafetière électrique. Il y a mis de la flotte à chauffer et nous a servi du kawa lyophilisé un peu dégueu parce que déca. Un grand soleil d’été incitait à s’allonger sur la pelouse après ça et je m’imaginais très bien fermer les vasistas le cul dans l’herbe tendre mais avec Gonzague dans les parages, pas d’illuses à se faire : la sieste était tricarde ! Ca n’a pas loupé ! On a enfermé nos sacs dans la casba et on a mis en route nos vieilles carcasses pour une première marche commando sous le cagnard, direction la plage des Grands sables. Avec ce cave, le séjour allait être, je le sentais déjà dans mes guibolles, un vrai festival de cannes !
Heureusement la mer était bleue, le ciel vert, ou l’inverse et le chemin parsemé, à défaut de pétales de roses, d’asphodèles et d’ajoncs flamboyants. Bientôt je me suis senti à dache et au bout d’une plombe, j’étais très joyce d’être icigo. Ca me faisait tout drôle d’habiter une bicoque dans Le Palais avec mes potes.
Restait que le soir venu, il faudrait qu’on s’occupe de casser la graine. En ce jeudi de l’Ascension, jour férié, il fallait d’abord qu’au retour on trouve un magasin d’alimentation ouvert pour y acheter de la boustifaille. Vers seize heures on a convaincu Gonzague de faire demi-tour, qu’on risquait de trouver tout fermaga. Finalement on a marché plus vite au retour car à 17 heures 30 on était à nouveau dans le monde civilisé. C’est alors que tout a tourné à la foirade ! Je ne sais pas s’ils s’en sont gaffés ou pas mais mes potes m’ont perdu ! Perdu de vue dans la foule des touristes ! C’est louf non, de se paumer dans un village où il n’y a pas pas trois artères ! J’ai eu beau zyeuter partout, pas moyen de repérer mes deux super-clochards !
Du coup j’ai tournicoté dans le bled et j’ai fini par dégoter un casino. Mais non, pas un truc pour jouer à la roulette, vous êtes à côté de la plaque ! Un Casino, un genre de Fauchon du pauvre, si vous préférez. Tout content de ma trouvaille, je me suis dit que mes deux complices allaient me considérer comme le roi du pétrole si je daignais entamer mon billet de 20 euros et si je revenais au campement les bras chargés d’un paquet de spaghettis, de gruyère râpé et de sauce tomate. Comme j’avais amené par devers moi dans mon bagage des boîtes de thon, de sardines et d’anchois, je me sentais capable de mélanger tout ça pour notre festin du soir. Je fis l’emplette d’un pot de gelée de groseille pour en tartiner la baguette du petit déj’ du lendemain et je craquai aussi pour une boisson à bulles. L’air triomphant, je repris la route du camping avec mon butin bien calé dans mon baluchon.
Tu parles d’une victoire ! Si leurs yeux avaient été des revolvers, j’aurais pris je ne sais pas combien de bastos dans le buffet ! Les deux acolytes poireautaient dehors depuis un quart d’heure car c’était moi qui avais la caroube du cabanon dans la poche ! Et juste un peu avant moi, ils avaient eux aussi investi le Casino. Résultat des courses, on se retrouvait avec deux paquets de pâtes, deux sachets de gruyère et, grosse rigolade, eux aussi avaient acheté la même gelée de groseilles que moi. Où je me suis senti malin, c’est qu’aucun des deux n’avait songé à acheter de quoi écluser ou picoler ! Nul jaja à l’horizon, nul picrate dans les mains de ces pirates.
Mais bon, quand j’ai débouché ma rôteuse, ils n’ont voulu en boire qu’un verre. Ces snobs-là n’aiment pas la limonade ! C’est comme ça que j’en ai bu pendant trois jours, même si elle était éventée sur la fin comme une reine d'Afrique sur son trône ! Ca devait être de la bonne, car je ne me suis même pas levé la nuit pour aller licebroquer. Faut dire aussi qu’on était rudement schlass !
Et mes pâtes aux sardines, on n’a pas fini d’en parler dans Landernau ou chez Lecoq-Gadby à la prochaine réunion régionale du MEDEF dont nous sommes membres. J’avais tellement mal dosé les quantités qu’on a dû en manger trois jours d’affilée : Gonzague n’aime pas qu’on jette la nourriture ! S’il continue comme ça, il va virer écolo ou altermondialiste, lui ! Des trucs à finir... clochard !
P.S. Quant à la deuxième consigne du Gonzague, qui consistait à rédiger le compte rendu de l’expérience en argot de Pantruche, j’avoue que je me suis fait aider pour jaspiner l’argomuche de ce site internet-ci : http://pagesperso-orange.fr/mondouis/fa.htm