entre gris clair et gris foncé...

S'il est un événement d'actualité en cette année 2009 que je retiendrai, c'est sans conteste aucun le crash de l'A330 d'Air France, qui rentrait de Rio. 228 personnes ont trouvé la mort, dans ce dramatique accident. 32 pays en deuil.
Parmi les morts, 12 membres d'équipage, dont 1 brésilien.
Parmi les 11 français, j'avais deux copains. Deux anciens collègues, que je connaissais bien.

Nous avons tous été fortement choqués d'apprendre leur disparition. Dans ma boite, un accident d'avion ne nous laisse jamais indifférent, encore plus quand cet avion sort de nos hangars. Nous avons travaillé d'arrache-pied, pour fournir aux enquêteurs tous les documents relatifs à son dernier passage chez nous, pour révision.

Les employés au sol des compagnies aériennes, appelés "les rampants", sont les laissés pour compte de la boite, en rapport aux personnels navigants. On nous reproche par exemple de souvent rendre les avions en retard, alors que nous ne faisons que refuser de rendre un appareil qui ne soit pas parfaitement remis en état, selon les normes et consignes de sécurité, extrêmement nombreuses, croyez-moi ! Quitte à effectivement le rendre en retard.
Pour nous, la sécurité en vol des passagers transportés est plus importante qu'une pénalité de retard. Il y a souvent conflit d'intérêt, entre les "rampants" et les "volants".

Pourtant, là, nous avons tous travaillé en commun. Sans compter nos efforts ni les heures supplémentaires, la plupart du temps même pas comptabilisées.
Afin de permettre aux enquêteurs de faire leur travail, le plus rapidement possible. pour que les familles de ces 228 personnes sachent pourquoi elles avaient perdu un être cher.
2009 aura été une année sombre, professionnellement parlant.
J'espère que 2010 sera plus paisible.


Personnellement, cette année 2009 aura marqué d'une pierre noire mon quotidien. L'aura fait voler en éclats.
Cette année, j'aurai vu mon père perdre petit à petit pied avec la réalité.
Vieillesse, sénilité, ou simplement extrême fatigue d'être un accompagnant d'une malade d'Alzheimer... je ne sais pas quelle est la cause réelle de sa perte de repères.
Peu importe, au fond...

Mon père ne rentrera plus chez lui. Dans quelques jours, il ira finir ses jours dans une maison de retraite, que nous avons choisie avec un soin méticuleux. La seule que nous ayons trouvée qui permette que mon père et sa compagne ne soient pas séparés, mais aient une chambre commune.
Nous irons bientôt l'aménager, en y apportant quelques uns des bibelots qu'ils aiment. Quelques photos de famille, pour égayer leurs murs, peut-être un meuble ou deux...
Nous essaierons de rendre le lieu familier, au mieux de nos possibilités.

C'est assez triste, de voir mon père être devenu une personne incapable de s'assumer tout seul... lui qui toute sa vie, s'est dévoué pour les autres . D'abord pour ma mère, qu'il aura accompagné jusqu'au bout, faisant montre d'une très grande force morale, et d'un amour infini pour elle... Et plus tard, pour sa compagne actuelle, quand elle-même s'est perdue dans ses limbes personnelles.
Malgré cela, mon père est resté très présent pour moi. Attentif à ce que je vivais, en bien ou en mal.

Mais si je suis triste, j'ai au moins la grande chance d'avoir eu le temps de parler avec lui. De lui dire comme il comptait pour moi. Et lui a pu me dire qu'il était fier de moi. C'est très précieux.

Et c'est un baume au coeur de savoir que je n'aurai jamais le regret de ne pas avoir partagé ça avec lui.

Deux textes très forts dramatiquement. Je le savais, mais là je prends encore plus conscience comme l'année a été difficile pour toi Pati.

Ça ne doit pas être évident pour le drame de l’A330 toute cette pression que vous avez vécu pour l’enquête avec en plus dans sa tête la perte de collègues.

Je trouve très intéressant comme tu décris votre travail, vos responsabilités de la sécurité. J’avais déjà entendu parler en Suisse de cette « digue » entre personnel au sol et personnel naviguant. C’est dans beaucoup de métiers comme ça. On parle toujours des pilotes, des hôtesses, et pourtant rien ne tourne sans les autres corps de métier qui sont si importants. En chemin de fer, on parle des pilotes de locomotives, des contrôleurs, mais rarement de ceux qui travaillent par exemple dans les ateliers ou ceux qui se gèlent à l’extérieur pour l’entretien des voies, souvent lié à la sécurité. Dans les hôpitaux, on parle des médecins ou des infirmières, mais rarement du service technique ou des buanderies (pas de linge, pas de lits ou d’opérations).

Ça serait intéressant les métiers de l’aviation vus "des rampants" comme sujet de Kaléido’blog…

Pour ton papa, j’ai lu et je suis totalement en empathie avec toi. Je le vis au quotidien de plus en plus dans mon travail ces derniers mois et ton texte m’interpelle. Je suis triste de voir les familles.

Citation :

C'est assez triste, de voir mon père être devenu une personne incapable de s'assumer tout seul... lui qui toute sa vie, s'est dévoué pour les autres

Je me le disais encore aujourd’hui en soignant des résidents : malgré que ce n’est pas de ma famille, j’avoue que j’ai de plus en plus de peine à tenir le coup, justement de savoir comme ce fut des gens si actifs, si entreprenants et de constater leur état actuel de démence. Et ensuite de voir des familles devant accepter une telle situation, c'est dur pour eux, comme pour vous. Heureusement que nous pouvons en parler entre soignants et que avons un bon coaching psychologique.

Merci pour ton partage Pati et bon courage à toi ainsi qu'à ta famille.

En en guise de bonne année 2010 je vous voudrais terminer sur ta note optimiste

Citation :

Mais si je suis triste, j'ai au moins la grande chance d'avoir eu le temps de parler avec lui. De lui dire comme il comptait pour moi. Et lui a pu me dire qu'il était fier de moi. C'est très précieux.

Là c’est une excellente nouvelle qui malheureusement n’est pas vécu par tous. Alors pour cette relation, je vous dis BRAVO, car pas toujours évident et tu verras que plus tard, c’est quelque chose qui te restera, que l’on ne pourra pas t’enlever.

Deux textes prenants ; aux portes de la mort d'un côté, celle des collègues qui l'ont traversée, celle du père dont la santé décline.

Aux portes de la vie, aussi, dans le travail d'équipe et le souci du bien-être de l'ancien.

A dire vrai, tout cela c'est de la vie. Et j'aime bien ta façon d'être vivante. C'est consolant.

ce sont des choix bien difficiles à faire lorsque nos parents avancent vers la dépendance, voire la grande dépendance...
Puisse ton père trouver dans la maison que vous avez choisie des conditions de vie où il soit encore vu et considéré avec toute l'humanité qui est la sienne.

Bien sûr, pendant les rétrospectives de l'année 2009, j'y ai aussi pensé et j'ai pensé à toi également qui avais vécu ça de plus près encore, si c'est possible... Personnellement, je préférerais que tout avion parte en retard -mais révisé jusqu'au moindre boulon!!!- que à temps et ouille. Ah! Le prestige de l'uniforme ... Ca joue sûrement ... Le côté visible. J'espère qu'il n'y aura plus de grosse catastrophe, Il y en a évidemment moins que dans l'automobile... Mais c'est plus spectaculaire et le monde entier en parle, contrairement aux accidents de la route où le chiffre est global et néanmoins meurtrier...

Pour ton papa ! Courage ! Je suis sûre que vous faites cela au mieux... Déjà ! Avoir pu les mettre dans une chambre ensemble, c'est énorme! Ici aussi, on sépare les couples pour la raison qu'ils se disputent (?) trop et que ça fait des histoires ... Je trouve aussi que devoir mettre les personnes âgées dans des chambres à deux lits est un choix terrible qu'on oblige les familles à prendre! Terminer sa vie dans un espace même pas exclusivement à soi, je trouve ça dur ! Enfin bon, tout ça n'est pas facile...

D'un autre côté, je me suis souvent dit que si plus de personnes y allaient volontairement et plus tôt, assurant comme ça une mixité dans les maisons de repos, ce serait peut-être moins terrible, non ?

J'espère qu'ils seront bien et que ton papa pourra se reposer !

Deux textes très "forts" en effet, et douloureux...
Merci, Pati, pour ce témoignage.
Je retiens aussi les commentaires qui ont été publiés : Trainmusical, qui propose une consigne sur le sujet de l'avion (cela m'intéresserait aussi), kz, qui rappelle que ces textes ne parlent pas que de mort, mais aussi de vie, Pivoine blanche, qui témoigne à sont tour du quotidien dans les maisons pour personnes âgées...

Merci à vous tous

Le second texte me bouleverse car évidemment il parle d'un père, d'un amour filial, d'un drame intérieur.
De celui qu'on ne peut pas partager avec n'importe qui, et n'importe comment parce que c'est un drame que l'on vit seul.

Tu as pris la bonne décision. Et tu le sais.
Il faut maintenant la gérer, tu le fais très bien.
eEnsuite, quand ils seront installés, il te faudra penser à toi, et apprendre à faire le deuil de ce qui ne sera plus: ton père dans sa maison.

Mais tu va avoir une grande force qui va se développer en toi: celle que t'a donnée ton père en parlant avec toi, de toi, de sa fierté, de son amour pour toi. Et toi même tu lui as dis tout ce qui comptait pour toi.
Et cela, crois moi, ça n'a pas de prix. Tu l'as pour la vie!

Citation :

Ça serait intéressant les métiers de l’aviation vus "des rampants" comme sujet de Kaléido’blog…

j'en prends note, train j'essaierai de vous faire un truc pas trop barbant, pour les néophytes

Kz, oui, de la vie. encore, toujours et avant tout...

Alain, nous en avons visité plusieurs. Celle-ci est privée, mais malgré tout homologuée par les associations qui prennent en charge une partie des frais (notamment pour Alzheimer). Ce qui nous a fait la choisir, c'est que la directrice a répondu, à la question de savoit quand on pouvait venir voir comment fonctionnait la maison :
— Mais quand vous le souhaitez ! Il n'y a pas de rendez-vous à prendre, vous passez quand vous voulez, il y aura toujours quelqu'un pour vous guider.
Honnêtement, ça m'a mis en confiance, une telle transparence...
On verra bien si ça tient ses promesses...

merci à tous, pour vos commentaires

Citation :

Tu as pris la bonne décision. Et tu le sais.

entre savoir, et vivre ce savoir, il y a une petite marge, qui demande adaptation

merci, amie, de ton commentaire... éclairé.

Tes deux textes sont bouleversants Pati.

Comme toi je vis des moments difficiles avec mes parents très âgés. Ma mère a la maladie d’Alzheimer et mon père faiblit de plus en plus. Ils sont hélas opposés à une admission dans une maison médicalisée… alors les problèmes se multiplient !
Je suis souvent confrontée à cette triste réalité et j’en souffre. Alors Pati je comprends ce que tu traverses actuellement. Bon courage mon amie !

Pati, une année difficile à ce que je lis.
Pour ton travail, j'en ignore tout, ce serait donc bien de nous en écrire plus et ce drame a dû être douloureux à vivre.
Pour ton Papa, je te rassure, tu as fait pour le mieux. J'ai vécu la même chose avec ma mère ( qui deviendra centenaire cette année, ayant repris toutes ses facultés physiques et mentales !), j'ai hésité dans le choix d'une maison bien adaptée, j'ai douté de moi, je suis passée par des phases de honte ( pourquoi je ne la prenais pas chez moi ? Mille et une raisons de dire non mais...) et de tristesse. Elle ne fera jamais son "deuil" de sa maison et moi non plus. Mais aujourd'hui, elle s'est habituée, est très entourée et a lié de nouvelles connaissances. Elle n'est plus jamais seule comme quand elle vivait dans sa maison...
La seule différence est que Toi, tu as pu parler à ton père et lui dire ton amour.
Moi pas, quand j'essaie, elle refuse tout dialogue et va jusqu'à se mettre en colère contre moi.
Je suis fille unique et ce n'est pas simple.
Meilleure année à toi, Pati !

Amanda a écrit:

(...)
Moi pas, quand j'essaie, elle refuse tout dialogue et va jusqu'à se mettre en colère contre moi.

Je me permets de reprendre cette phrase...
la colère est bien souvent une manière de réagir à des souffrances intérieures personnelles. Alors, on la dirige sur... La personne qui est là...
d'une certaine manière, c'est une manifestation de vie... Qui passe par les chemins qu'elle peut...
Donc ce n'est pas une colère « contre toi », même si cela peut en prendre les apparences.
Tu sais tout cela sans doute, mais c'est parfois bon de le réentendre.
Cela dit, je suis bien d'accord avec toi : ce n'est pas simple !
A te lire, j'ai le sentiment que tu fais au mieux pour ta maman, en fille aimante. Il n'y a peut-être pas les mots. Mais il y a la manière d'être et de faire qui est la tienne.
Et on sent bien toute l'affection que tu lui portes.

Merci Alainx : tes mots me touchent et ils sont vrais.
Je fais partie d'une famille où on ne se parlait pas entre parents et enfants, juste des " Travaille bien !", " Va te laver les mains" et "Bonsoir".
Pudeur ? Tradition ? " Cela ne se fait pas "?
Mes parents ne m'ont jamais dit " Je t'aime" et quand je l'ai dit quelque fois à mon père ou à ma mère, j'ai reçu en retour " Oui, bon, je sais, ça va !"
Quelqu'un m'a conseillé d'aborder avec ma mère le thème de la mort, je n'ose pas, je n'ose plus rien.

Bouleversants tes textes, Pati ! Le gris foncé me touche particulièrement...
Non, je ne l'ai pas vécu ma mère est décédée très jeune. Elle n'a rien connu de ma vie de jeune femme, de femme mariée, de mère...
Je n'ai pas connu cette angoisse pour ceux qu'on aime, mais des proches l'ont vécue et je les ai écoutés.

Juste te dire que j'ai lu, Pati.
Pensées.

merci à tous, pour vos messages.
désolée si je remercie en bloc, mais le coeur y est, n'en doutez pas

une pensée spéciale, pour brig, dont je connaissais le souci familial assez identique au mien, et amanda.
plein d'ondes positives vers vous les filles