Encore là !!!

Ciel! Maman a cent ans et est toujours en vie !

Aucun de nous ne désire lui fêter, aucun des pensionnaires de la maison de retraite qui la garde seulement parce que son argent sert à payer des suppléments pour le personnel.
Ce qu’elle ne sait pas, c’est que plus elle leur en fait baver plus ils se remplissent les poches ; ils encaissent, dans tous les sens du terme.
En 15 ans, c’est la sixième maison de retraite, fichue dehors, malgré son âge.
Râleuse, injurieuse, méchante avec tout le monde, cassant volontairement la vaisselle.

Tout, elle aura tout fait pour se faire détester alors, qu’elle aurait pu être une centenaire charmante.
Non, elle est horriblement méchante et égoïste. Je vous avouerai que l’on attend sa mort depuis très longtemps, et elle est toujours là. Une santé de fer en plus et toute sa tête pleine d’horreur à nous vomir en claquant du dentier.

Elle sera seule, pas de fête, pas de photo dans le journal. Cela me fait toujours sourire ces photos de centenaires, entourés de leurs enfants, petits enfant et arrière petits enfants, et plus. Sont toujours gentils ces centenaires, il leur est fait un éloge, devant le gâteau et sans oublier l’élu qui ne se déplace que pour les cent ans.
Et bien, Maman sera seule, aucun de ses enfants qui sont encore en vie, de ses petits enfants ne sera là. Pas d'élu, pas de photo.
Nous attendons tous sa mort. En général, les enfants ne sont pas dans cette attente, nous oui.
On fera la fête ce jour là, on boira les bouteilles mises sous clef dans la cave fermée avec double cadenas, de la maison fermée elle aussi à clef.
Et qui a les clefs ?
Son notaire, qui est payé pour venir vérifier toutes les serrures. Des fois, que l’on tape dans notre héritage que nous n’aurons pas.
Nous avons les clefs, et oui, elle ne souviens pas que, Achille le fils du jardinier est serrurier, lui qu’elle mettait toujours dehors. Il s’est vengé d’elle avec nous.
« - Tu vas salir avec tes galoches et tes mains malpropres » Elle lui disait.
A 75 ans, il met ses vieilles galoches et n’oublie jamais de saluer son portrait pavanant dans le hall, en lui faisant un pied de nez.
Si nous cherchons des photos de nous, il n’y en a pas. Inutile de mettre la morve en cadre, elle nous disait.

Une fois par semaine, ses 4 enfants et Achille buvons à sa santé, en volant ses bonne veilles bouteilles, assis sous la tonnelle. Les verres sont à la fête ces jours là.

Elle a décidé de nous déshériter en léguant tout (l’inventaire de Prévert n’y suffirait pas) aux bonnes œuvres des animaux pour en faire des refuges ; sûrement pour se faire pardonner d’avoir martyriser, chiens, chats, chevaux et perroquet.
Mort aux vaches, on lui avait appris à dire, quand elle entrait. On a mis du temps, mais on y est arrivé.
Mort aux vaches… elle est toujours là, notre morale nous empêche de l’avoir tuée, ou fait tuer, l’envie est toujours là et nous ne l’aimons pas.

Nous ne fêterons pas ses 100 ans.

Alors, ma chère mère, je n’espère qu’une seule chose, c’est que le jour de tes cent ans, quelqu’un souffle sur toi et hop, au revoir.