Les beaux et grands principes

Je voudrais avoir de beaux et grands principes, de ceux qu'on brandit en étendard. Savoir toujours, de quel côté pencher, avoir des valeurs, aimer les donner en exemple.
Mais je ne suis qu'humaine et je trébuche parfois, sur ma colère, mes frustrations, ma peur aussi.
Chacun a sa part d'ombre, la lumière ne peut pas être toujours là.
Je suis contre la peine capitale: peut-on être juge ou bourreau, avoir droit de vie ou de mort? Je reste du côté de la lumière, du côté de ceux qui donnent la vie.
Mais si tu touches à mon enfant, je pencherai du côté de l'ombre, pour te couper les mains, celles qui ont osé arracher un bout de mon coeur, et puis prendre ta vie, pour venger mon petit.
Je ne suis qu'humaine, ma douleur hurle, ma raison se fait murmure.
Je suis du côté des opprimés, qu'ils soient victimes de guerre, ou exilés forcés.
Je suis aux côté des soldats qu'on envoie à la boucherie, pour quelques mètres gagnés sur l'ennemi.
Je suis du côté des justes, de ceux qui ont sauvé, au péril de leur vie, des enfants juifs ou polonais.
Je suis aux côtés des femmes, tondues sur la place publique, pour avoir aimé l'ennemi.
Je suis du côté des maquisards qui ont donné leur vie, pour un pont détruit.
Mais si j'étais née cinquante ans avant, comment me serai-je comportée?
Aurais-je osé prendre les armes et affronter l'ennemi? Aurais-je eu le courage de cacher un juif au péril de ma propre vie?
Aurais-je empêché l'homme de tatouer une croix gammée sur un crâne de femme rasé?
Et si j'avais été « pris » aurais-je pu me taire sous la torture?
Aurais-je eu le courage d'arrêter les wagons de la honte? Aurais-je eu le cran de dire « stop au tyran »
Est-ce que j'aurais su qui de Pétain ou De Gaulle avait fait le bon choix? Et si je m'étais trompée?
Est-ce que mes grands principes ne seraient pas partis en fumée, n'auraient-ils pas pris la fuite, par lâcheté, ou par ignorance?
Et si j'avais penché du côté de l'ombre, si j'avais été de ceux qui dénoncent, pour un kilo de pain, pour un sac de charbon?
Et si j'avais quatre-vingt-dix ans, serais-je fière de mon passé? Ou bien vivrais-je de remords.
Je crois savoir, toujours, de quel côté pencher, c'est la lumière qui m'attire, c'est vers elle que je tends, par principe. Mais si...
Je ne suis qu'humaine après tout!

Quel réalisme tu écris dans ce brillant texte, impressionnant. De la grande écriture en effet pour développer les si j'avais..., s'il y avait..., si j'étais....
Des questions que nous devrions tous nous poser; pas facile à faire, toi tu le fais de fort belle manière et avec tes qualités d'écriture en plus.

un très beau plaidoyer pour la part d'humanité qui dicte nos pas... nos espoirs et nos doutes.
il est des questions dont on ne connaîtra jamais les réponses.

et se les poser, n'est-ce pas déjà y répondre ?

Qui a dit ça un jour ?

Merci Admin pour ces interrogations que nous gardons tous en nous...

Merci Cassy de si bien écrire les doutes qui assaillent les simples humains...

Et oui, comme le dit Goldman dans une de ses chansons "et si j'étais né à Lebenstatt... Toutes ces questions m'assaillent souvent et s'il est des questions dont nous n'aurons jamais les réponses, il en est également certaines dont je préfère ne pas avoir les réponses du tout. Pencher du côté de la lumière oui mais quand l'ombre est immense et menaçante... Un texte qui fait réfléchir et dont le rythme renforce les interrogations.

Curieux, j'entendais quelqu'un, il y a quelque jour, se poser les mêmes questions...

Il y a trois réponses...

Soit les circonstances ou notre nature particulière nous auraient amenés à agir;
soit on aurait pratiqué un peu de marché noir, parce qu'il était peut-être difficile de ne pas mourir sans la bouffe du marché noir, mais de là à en faire, en effet...

Soit on aurait fait comme tant d'autres, affronter le quotidien, qui n'était déjà pas si drôle. Même s'il était moins tragique que pour d'autres.

Il faut rappeler aussi qu'en 40, la majeure partie de la population n'avait pas toutes les données des problèmes (ex. les écrits antisémites de Pétain). Eclairage que nous avons nous, aujourd'hui...

Mais l'essentiel est posé: ce qui sous-tend ce texte, c'est aussi tes convictions profondes et le devoir de mémoire auquel tu t'es -par ailleurs- attelée.

Afficher des "grands principes" est louable en soi . Tu poses leur prise en compte de la bonne façon : placés au pied du mur, qu'aurions-nous fait ?
Par exemple choisir entre collaboration ou résistance, ou adopter, comme sans doute le plus grand nombre, une position d'attentisme ?

Selon ce qui m'a été conté, ou que j'ai lu ou vu par l'intermédiaire de films ou fictions télévisuelles, les Résistants de la dernière heure étaient d'autant plus zélés dans les honteuses tonsures de femmes et les éliminations liées à l'épuration qu'ils étaient prudemment restés dans l'expectative quand les Allemends régnaient en maitres ...
Je ne me souviens pas du titre du film avec Clémentine Célarié où elle jouait le rôle d'une mère d'un jeune maquisard fusillé et était en même temps la maitresse d'un officier allemand pour finalement se suicider après avoir été tondue, puis se voir à titre posthume, décerner la médaille de la Résistance . Ce film est très éclairant sur le sujet d'ombre et lumière qui est en chacun de nous .

Belle question. Qu'aurions nous fait si ...
Malheureusement (ou heureusement) ces questions ne sont (en tout cas pour moi) que théorique. Le héros qui se cache en chacun de nous n'est qu'une personne qui a agit le plus souvent sans réfléchir, sans penser à eux. Comme c'est gens qui se précipitent dans une eau gelée pour aller repécher un malheureux qui est tombé.
Les autres, les vrais héros, les bons, ceux qui savent ce qu'ils font, ou qui savaient quand en des temps sombres ouvraient leur porte aux désespérés en toute connaissance de cause, ceux-là ... Aurai-je eu ce courage ?

Etre Homme est difficile: on tend vers une humanité avec des échecs , et les témoignages des uns et des autres sont là pour faire réfléchir et grandir...

J'ai bcp aimé ton texte Cassy. Il frappe fort là où il faut.Les héros ne sont pas nécessairement ceux dont on parle mais ceux qui oeuvrent pour sauver l'autre dans la discrétion et l'absence de recherche de gloire personnelle.

Ceci me fait penser à une anecdote puisée dans l'actualité belge (bruxelloise) récente. Un demandeur d'asile (ayant un boulot dans l'horeca), et en attente de ses papiers définitifs a sauvé deux hommes dans le métro; sautant sur les voies (et c'est vachement dangereux à cause de ce qu'on appelle "le troisième rail" qui envoie une tonne d'électricité) pour freiner la circulation des rames et permettre de ramasser quelqu'un qui était tombé...

Et après, il a reçu son ticket de sortie (enfin, son ordre d'expulsion ... ) - La vie est super mal faite, et là, c'est l'appareil administratif qui est du mauvais côté de la ligne d'ombre et de lumière.

très beau texte qui pose les bonnes questions
on peut dire moi j'aurai fait ça si j'avais était à leur place, mais on n'en sait rien finallement car on n'a pas vécu la situation

bisous domi

Bonjour colombes

coucou catsoniou