Non, je n’ai pas toujours été cette silhouette noire à la démarche incertaine.
J’étais, jadis, respectée et connue dans mon domaine sous le nom de Cassandre. Des gens célèbres venaient me consulter et jusqu’à des chefs d’état. J’ai toujours exploité mon don de la manière la plus honnête possible et, contrairement à mon homologue antique qui annonçait surtout des catastrophes, je me suis plutôt attachée à souligner le bon côté des choses qui m’étaient révélées. Il y a toujours un bon côté ! Un léger détail qui permet de redonner espoir, il suffit de le trouver.
Bien que n’ayant plus fréquenté aucune église, il m’est resté de ma lointaine éducation religieuse, une phrase qui peut paraître étrange dans la bouche d’une voyante, mais que j’ai toujours conservée au fond de moi : « Veillez, car vous ne savez ni le jour, ni l’heure… » et si j’ai essayé, avec plus ou moins de bonheur, de décrypter l’avenir des autres, le mien m’est toujours demeuré opaque. Etranger même. Je l’ai toujours considéré avec circonspection, sans doute me faisait-il un peu peur ? Quand, dans les moments de doute, je me laissais aller à interroger mon destin, je n’osais jamais lever les yeux sur la silhouette évanescente qui m’apparaissait dans ses occasions-là. Je balbutiais alors des questions indistinctes qui n’appelaient aucune réponse…
Mais aujourd’hui je n’ai plus peur, j’ai atteint la sérénité de l’âge et j’oserai lui dire : « au seuil de la mort, je te tutoie enfin et j’ose te regarder dans les yeux... Et ce que j’y vois, n’a rien d’effrayant… »