« Ce n’est pas parce que j’ai peur de l’enfer que je suis gentille » dit elle en l’embrassant.
« Que cela soit bien clair entre nous Saint Pierre ! Je ne suis pas un de ces zombis qui viennent de passer de vie à trépas et qui réclament votre indulgence ! Le trouillomètre à zéro, la gentillesse mielleuse. Tout cela parce qu’ils ont peur que vous les jetiez dans votre enfer éternel dont on nous a rabâché les oreilles durant toute notre vie.
Moi l’enfer je connais ! C’était mon domaine sur Terre. Le claquement sec du fouet, le bruit des chaines, l’odeur âcre de la sueur, les suppliques de ces hommes rampant à mes pieds. De vraies larves que je n’hésitais pas à piquer de mes talons aiguilles. Mais eux ils aimaient cela, ils en redemandaient encore et encore.
Si je viens de vous embrasser ainsi, c’est que je suis heureuse de vous rencontrer enfin. Je suis tellement curieuse d’échanger avec vous sur nos enfers respectifs.
Il parait que vous utilisez les flammes. Difficile à maitriser pour moi. Comment faites-vous ?... »
Saint Pierre reste sans voix et finit par perdre le fil de ce monologue énergique. Diable ! Il n’a jamais vu une telle personne se présenter ainsi devant lui.
Il titille pensivement sa barbe blanche. Il aurait bien une idée mais oserait il ? Ah ! C’est qu’il se fait vieux et s’occuper à la fois du paradis et de l’enfer lui en coute de plus en plus. Une aide lui serait bien précieuse.
« Oh ! Saint Pierre vous m’écoutez ? »
Saint Pierre se secoue. Sa décision est prise. Son trousseau de clés à la main il se met à marcher d’un pas rapide :
« Venez avec moi. Si mon enfer vous plait, je vous en laisse la direction »