Toi aussi...

**Maîtrise le sujet**

Toi aussi…
« J’ai planté un arbre… »
Cette phrase, en apparence anodine, je j’ai entendue bien des fois au cours de mon enfance. Surtout au cours des veillées qui rassemblaient parents et amis autour de l’âtre flambant.
Le plus souvent, elle était prononcée par un grand-père, occupé à éplucher des châtaignes ou à peaufiner le montage d’un panier en bel osier rouge. Un grand-père tel que l’imaginent tous ceux qui n’ont pas eu la chance de croiser sa route au sein de leur propre famille. Un grand-père dont le regard bleu fixe les flammes dansantes, semblant y chercher quelque mystérieuse approbation. Un grand-père qui sait que ses jours lui sont petitement comptés et qui, pourtant, pense encore à demain…
« J’ai planté un arbre… » Manière de dire, je vais laisser un peu de moi sur cette terre, une trace discrète, un message secret que le tronc, les branches, les feuilles et les fruits à venir sauront conjuguer au présent durant des décennies. Mes descendants parleront peut-être de l’arbre du grand-père Jules comme d’autres ont retenu la pyramide de Khéops ou le chêne de St Louis…
Car c’est forcément un arbre « utile » que l’aïeul a confié à la terre. Probablement un noyer ou un châtaignier, peut-être en souvenir d’anciennes disettes… Et puis parce que ce sont des arbres nobles et pondérés, qui ne suivent pas l’exemple de leurs compères d’aujourd’hui, dont la précoce exubérance séduit avant d’exaspérer… Des arbres de plein vent et de plein champ, des arbres de longue haleine qui savent prendre leur temps. Des arbres que l’on caresse, à qui l’on fait des confidences dans l’ombre douce de l’été, des arbres qui se méritent et dont les fruits arrivent comme une ultime récompense et non comme un préalable…
Il en reste un dans le pré derrière chez moi, que je vénère et visite aussi souvent que je peux. Je déplore son anonymat car personne n’a été capable de me dire qui l’avait mis en terre. Même les plus anciens que j’ai interrogés ont paru surpris par ma question. Serait-elle incongrue et impertinente dans le monde pressé et oublieux qui est le nôtre ?
A ma dernière rencontre, je lui ai trouvé l’air chagrin et la ramure en berne. Selon mon habitude, je l’ai entouré de mes bras, frottant ma barbe de deux jours à son écorce rugueuse. Les oiseaux qui orchestraient le silence ont marqué une pause et j’ai entendu alors une petite voix née au cœur de l’aubier, chuchoter à mon oreille :
- J’espère bien qu’à ton tour, un de ces jours, tu planteras un arbre…

Kalé'reporter

Joli texte.
Bien écrit.
Presque un petit conte philosophique.
J'ai beaucoup aimé flower

Citation :: (...) leurs compères d’aujourd’hui, dont la précoce exubérance séduit avant d’exaspérer…

C'est tout à fait ça !
Je pense aux zones pavillonnaires… On commence par planter plein d'arbres… Trop… Et puis ils envahissent tout ! Ça devient rageant. Ça fait naître des querelles de voisinage !

La vie… Quoi !

lol!

**Maîtrise le sujet**

J'aime ton texte et sa douce atmosphère. Smile

Quand je pense qu'en ville maintenant, quand un arbre doit être planté il est choisi pour ne pas être envahissant et surtout résister à la pollution.
Triste, triste..... boah

Occupe le terrain

Ton texte ce lit comme une douce mélodie.

J'aime comme tu exprime ce besoins humain de laisser une trace après une longe vie. Un sentiment qu'on a compter et fait partie de quelque chose de grand, même si cette trace a été aussi discrète que de planter un arbre.

Kalé'reporter

Citation :: Probablement un noyer ou un châtaignier, peut-être en souvenir d’anciennes disettes…

Voilà qui me fait penser aux noyers dont Jean-Pierre se souvient certainement: avant la rigueur de l'hiver de 1956, il y avait des arbres superbes à la taille imposante et au tronc bien rond qui laissaient espérer une coquette somme d'argent quand on cèderait à l'insistance du marchand qui voyait déjà le beau noyer transformé en meubles... Ces arbres-là, plantés un siècle plus tôt sont devenus rares.

Aujourd'hui, parce que la noix se vend bien, on plante des noyers espacés de quelques mètres seulement sur des hectares. leur durée de vie n'excède pas trente ans, le tronc finira en piètre bois de chauffage. Ils produisent à partir de cinq ans, avec un rendement en pleine maturité qui pourra atteindre six tonnes à l'hectare... Les sous, toujours les sous lol!

Modératrice

Un texte qui sent l'authenticité...
En effet, chacun aimerait planter un arbre, un peu comme si cela l'empêcherait de disparaître sans laisser de traces.
Je n'ai pas failli : il y a 13 ans j'ai planté un petit olivier dans mon jardin rocailleux en Provence. On s'est moqué, en disant que je ne le verrais jamais grandir.
Et bien, si, il dépasse déjà le premier mètre, je ne désespère pas de le voir à 2.... flower

Admin

Je rejoins Amanda, c'est un texte "authentique" et celui qui l'a écrit est un homme attaché à la terre flower

Modératrice

J'aurais aimé connaître ce grand père dont tu décris si bien le regard bleu et qui a su te transmettre cet amour de la terre qui transparaît dans tes lignes. flower

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