Est-ce que tu te souviens ?
Oui je sais, tu es du genre à oublier.
Mais quand même, cette année-là, au bord de la plage, tous ces volets fermés, le vent qui soulevait le sable et commençait à s'accumuler sur la digue, tu n'as quand même pas pu oublier ça ?
C'était encore au temps des autoradios à cassettes. J'avais mis cette chanson de Cabrel : « Hors saison ».
C'est le silence
Qui se remarque le plus
Les volets roulants tous descendus
De l'herbe ancienne
Dans les bacs à fleurs
Sur les balcons
On doit être hors-saison
Ne me dis pas que ça ne te rappelle rien.
Ne me dis pas que c'est comme si rien n'avait existé.
Ne me dis pas que des milliers de marées ont déroulé leurs flots depuis.
C'est toi qui m'avais conduit jusque-là. Tu avais rabattu ta capote, ouvert grand les vitres pour faire entrer l'air du large.
La mer quand même
Dans ses rouleaux continue
Son même thème
Sa chanson vide et têtue
Pour quelques ombres perdues
Sous des capuchons
On doit être hors-saison
On était bien ensemble. J'aimais te tenir fermement pour que tu ne quittes pas le chemin, tellement le vent se faisait fort, nous fouettant tous les deux. Et le sable qui rebondissait sur toi, qui aurait même pu te meurtrir.
Le vent transperce
Ces trop longues avenues
Quelqu'un cherche une adresse inconnue
Et le courrier déborde
Au seuil des pavillons
On doit être hors-saison
Je t'aimais tellement en ce temps-là. Je te chérissais. Je te bichonnais. J'étais sans cesse aux petits soins. Tu grognais parfois quelque peu, mais aussitôt je trouvais le moyen de t'apaiser. Je disais : chut ! là ! Tout va bien maintenant.
On pourrait tout prendre
Les murs, les jardins, les rues
On pourrait mettre
Aux boîtes aux lettres nos prénoms dessus
Ou bien peut-être un jour
Les gens reviendront
On doit être hors-saison
Alors donc tu as tout oublié…
Toi, ma bagnole chérie, que j'ai amenée ici une dernière fois avant de te mettre à la casse.
J'ai perdu mon temps.
Mais, au point où nous en sommes : Une heure de plus ou de moins, quelle importance?
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