19h
Voilà, je suis prête pour la nuit. Elles sont venues me déshabiller encore plus tôt que d’habitude.
Souper à 17h, coucher à 2Oh.
Mais c’est vrai qu’on est samedi soir. Je les comprends ces petites, elles ont envie de terminer tôt, de sortir « en boîte » comme on dit maintenant. J’aime bien les deux de cette semaine, au moins elles sont douces et gentilles même si elles sont noires.
Au début, ça m’a fait tout drôle qu’une main noire me touche. J’avais un peu peur et puis on dit que les Noirs sentent mauvais. Un racontar de plus !
J’aimerais bien avoir les mêmes filles tout le temps, mais chaque semaine, elles doivent changer d’étage.
Pour ne pas qu’on s’attache…
Et les Blanches sont moins gentilles, elles me houspillent, me bousculent, me disputent parce que je n’ai pas sonné assez vite.
Je sonne, mais personne ne vient ou alors pas avant au moins une demi-heure. Quand je leur dis, elles me répondent « Mais vous n’êtes pas la seule ici, ce n’est pas un hôtel ! »
Oh, ça, je le sais que je ne suis pas à l’hôtel, plutôt en prison. Pour les menus, on est loin d’un « 5 étoiles ». Purée et yaourt, hachis et riz.
Du pré-mâché…
Et le temps des visites est compté, réglementé.
Moi, plus personne ne vient me voir, je n’existe plus, je suis aux abonnés absents.
Je ne me plains pas, j’ai la télé et mes mots fléchés.
2Oh
On sonne à la porte…
Qui cela peut-il bien être ?
Personne, jamais, ne sonne ici, on entre chez moi comme dans un moulin !
Drring, on resonne, on insiste…
Mon coeur se met à battre la chamade…
J’ai peur, j’ai chaud, je ne sais que faire.
Bon Dieu ! Et si c’était ?
Mais non, impossible, faut pas rêver…
Et moi, clouée dans mon fauteuil par des jambes qui ne me portent plus depuis longtemps, je crie « Entrez ! »
La porte s’ouvre…
Ils sont venus ! Ils sont tous là, comme dans la chanson !
Il y a Anna et Thérèse, mes deux fidèles amies. A nous trois on a fait les 4OO coups dans le club des 3x2O, puis 3x3O…Qu’est-ce qu’on a pu tricher aux cartes, en dégustant du porto !
Il y a ma voisine du temps où j’habitais encore à la maison, celle qui me faisait les courses. Et le cousin Sébastien qui jouait aux courses et le vieux curé qui venait boire son calva chez moi…
Il y a …
Toi ! Mon Homme !
Mon Louis ! Tu es revenu !
Mais alors, ils sont tous revenus, c’est formidable de se retrouver tous ensemble !
C’est trop de bonheur !