Il fallait absolument qu'il termine d'étendre son vernis avant que la pénombre ne s'abatte sur le petit atelier. Le délai serait très court maintenant mais la finition devait être parfaite pour donner la dimension éclatante qu'il souhaitait à sa dernière oeuvre. Il caressa une dernière fois la surface lisse du bois pour en chasser la sciure. Et la pointe humide du pinceau déposa une fine couche odorante sur la pièce de bois. Sa main suivait un rythme lent et régulier afin d'unifier le produit.
Soudain le pinceau dévia brusquement de sa trajectoire. On avait sonné à sa porte.
D'un grognement, il tenta de rattraper son erreur, ne se préoccupant même pas du tintement qui émanait de la porte d'entrée.
On réitéra l'appel, une fois. Puis deux. Le vernis avait fait une surcouche que chaque coup de brosse aggravait peu à peu. Tout ça l'emmerdait à la fin. Ne pouvait-on pas se contenter de lui foutre la paix.
Enfin on se mit à tambouriner contre la porte. De rage, il abandonna son travail. La pièce était manquée maintenant.
« Ca va, ca va, j'arrive, maugréat-il essuyant ses mains tant bien que mal dans son vieux tee-shirt,
Il arracha la porte à l'encadrure jusqu'à presque l'extraire de ses gonds.
Un homme, en costume premier prix, affichait un sourire faussement blanchâtre, et arguait à ses pieds une mallette planquant ainsi les quelques centimètres manquant au bas de son pantalon. Entousiaste, il entama:
« Bonjouu...,
Interrompu par un grognement, son corps se figea; paralysé face au regard furibard de son interlocuteur.
« Jch'ui pas interressé, foutez-moi la paix!!
_ Mais monsieur....."
Cette fois, ce fut le claquement de la porte qui suspendit les lèvres du bellâtre. Sans se démonter, il installa son index sur la sonnette sans l'y déloger. Une vingtaine de seconde plus tard, la porte s'ouvrait de nouveau. Mais un canon de carabine l'acceuillit. Plutôt hostile, le canon.
Alors les pieds à son cou, l'homme fuit de toute ses jambes dans la rue, se barricada dans sa voiture et pianota nerveusement sur son téléphone. Inconsciemment, il hurla :
« Oui,.... NON..... patron, écoutez-moi, c'est la première fois que je me fais recevoir avec une carabine pour remettre un chèque du loto. Vous faites comme vous voulez mais MOI je ne refous plus jamais les pieds chez ce taré ».