C'était il y a un temps certain, une conversation entre deux hommes à la campagne.
- Je ne voudrais pas te contrarier mais ça ne peut plus durer …
- Qu'est-ce qui ne vous va pas encore, que vous faites une tête longue comme un jour sans pain !
- Il y a que les ronces avancent dans le champ et la haie fait au moins quatre mètres de large...
- Et alors ? Les lapins peuvent s'y abriter tranquilles. Votre espèce de corniaud , ça l'amuse de les débusquer. Vous devriez être content que je prenne soin de votre bestiau ! Parce qu'avec un patron dans votre genre, il doit drôlement déprimer. Heureusement que je lui fais la conversation de temps à autre, sinon, il ferait comme un mauvais vin, il tournerait aigre !
- D'abord, mon chien n'est pas un corniaud... Quant aux garennes, jamais tu ne m'en laisses un seul. Ah ! Ta femme doit en faire des civets ! Mais bon, je vais te parler franchement, Louis. Je ne suis pas content de toi en tant que fermier. Mon bien, tu ne le fais pas valoir comme tu devrais. Si je peux me permettre un conseil...
- Vous savez où vous pouvez vous les mettre vos conseils, Monsieur le bailleur ? Tiens, vous me faites penser à ces gratte-papier qui fixent le prix des betteraves et qui ne savent même pas faire pousser des radis. Et vos terres, elles sont comme vous, il n'y a pas grand chose à en tirer. D'ailleurs, je vous le dis tout net, ne comptez pas trop sur le fermage. Ah, oui ! Il me vient une idée : à la Saint-Jean, je vais vous payer avec des fagots de ronces, à condition que vous me fournissiez le lien pour les attacher. Et il faudra penser à me faire une ristourne parce que grâce à mes conversations avec votre clébard, je vous évite les frais du véto comportementaliste …
- Dis donc, Louis, tu ne serais pas entrain de te payer ma bobine ? Tu racontes n'importe quoi !
- Je pourrais vous répondre que c'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule !
- Alors là, tu me manques carrément de respect ! Oublierais-tu que tu as vingt ans de moins que moi ?
- Oui … Heureusement parce que si vous aviez mon âge, il vous manquerait déjà quatre dents !
- Tu pourrais répéter ce que tu viens de dire ?
- Non, je ne parle pas aux cons, ça les instruit !
Dans mon coin, je me faisais tout petit car si les termes de la conversation ne sont pas fidèlement rapportés, le contexte était bien celui-là : j'ai craint un instant que mon père calotte le propriétaire bailleur...