Je suis en psychanalyse depuis 15 ans… depuis que je suis son chien.
Pendant les séances , je dors couché à ses pieds ou fait semblant … Je n’ai rien d’autre à faire. J’ai été adopté pour cela. Mon absence rassure … et mon maître et ses patients.
J’aime çà : Je suis cajolé, gâté avec beaucoup de caresses et de croquettes.
Ce qui fait que j’en ai pris des kilos depuis 15 ans à ne rien foutre si ce n’est, être là, présent.
Mon maître est assis dans son fauteuil, toujours le même, dans un bon gros fauteuil reposant.
Son regard flotte par-dessus moi et ses oreilles dressées comme les miennes sont à l’écoute de rien et de tout.
Je ne comprends rien à cette langue, même pas la moindre petite miette.
Parfois ,quand un os est trouvé, il y a des cris ou des sanglots longs comme des violons ou des rires monotones .Ou les trois à la fois.
C’est bizarre mais je m’y fais.
Du moment qu’il est là, je reste bien dans ma peau et dans mes poils.
C’est un bon maître mais un mauvais gardien : il n’aboie jamais.
Un » hum hum » de temps en temps ou un petit raclement de gorge … C’est tout ce qui sort de sa bouche pendant les séances.
Ce n’est pas beaucoup… mais les hommes et les femmes qui viennent et reviennent ici, s’en contentent la plupart du temps… Il y en a qui ont peur du silence et exigent une parole immédiate. Ils aboient alors comme moi je peux le faire mais ne le fais pas.
Entre parenthèse, cela me fait penser à cette phrase que j’ai lue quelque part :
« Je ne parle pas aux cons, ca les instruit »
Qu’il y ait des cons qui défilent dans le cabinet… C’est à vérifier et si c’est le cas, j’en suis un, aussi sans doute et le maître avec moi et tous les autres.
Donc c’est faux !
J’ai quand même remarqué que le silence faisait drôlement réfléchir… et aussi dormir.
Je tiens cependant à préciser que jamais, au grand jamais mon maître ne me prend moi, son chien, pour un con alors que dire de ses semblables ? …
Je n’aime pas cette phrase. Fin de la parenthèse.
Moi je suis interdit d’aboiement ,cela me manque … j’ai aussi parfois envie de mordre mais je refoule pour mieux garder mon désir au frais pour plus tard, pour quand j’aurai de plus grandes dents .
Le soir, le maître est très fatigué, il n’a pas dormi de toute la journée, il a mal aux fesses et aux oreilles, il a besoin de se relaxer et va donc s’allonger sur le divan.
C’est alors que la parole s’empare de lui et qu’il se met à parler et à parler jusqu’à plus besoin, jusqu’à assez …
J’en profite pour sauter en douce dans son bon gros fauteuil reposant.
Je n’écoute pas ce qu’il raconte mais je vois bien qu’il prend son pied… et moi donc !!!
La psychanalyse c’est le pied !