En technicolor...

Modératrice

Je vais vous parler, comme dans la chanson, « d’un temps que les gars de vingt ans ne peuvent pas connaître… » et d’un film oublié de tous, sauf, peut-être, de quelques cinéphiles amateur de films d’aventures exotiques.

Ce film, quand je l’ai vu dans les années cinquante avait déjà une bonne dizaine d’années, car alors, la vie des films était plus longue qu’aujourd’hui et ils étaient si j’ose dire, « recyclés » à l’occasion de manifestations diverses comme les fêtes de village ou les séances de cinéma en plein air.

Je me rappelle que ce soir-là, une très forte chaleur régnait sur Salies de Béarn et à l’occasion des fête du 15 août, après le traditionnel « toro de fuego », une séance de cinéma en plein air était proposée par le patronage de la paroisse. Le curé était le projectionniste attitré et lui seul possédait la dextérité nécessaire pour changer les bobines une ou deux fois par séance, sans que la continuité de l’histoire n’en souffre.

Une sorte d’enceinte à ciel ouvert, délimitée par des toiles blanches isolait du reste de la fête les spectateurs, assis sur des chaises en bois, et dominés par l’écran, géant dans mon souvenir. Nous, les enfants étions assis aux premiers rangs, sur des bancs prêtés par l’école toute proche. Des guirlandes d’ampoules faiblardes éclairaient la « salle » et quand elles se sont éteintes, nous avons retenu notre souffle. L’affiche, placardée depuis le début des vacances contenait les mots magiques pour l’époque : en technicolor ! Elle nous avait fait rêver et permis d’anticiper notre plaisir: les cavaliers arabes brandissant des fusils laissaient augurer d’un film d’aventures mais le couple en buste qui surplombait la scène indiquait que l’amour serait de la partie et, si nous avions du mal à faire le lien avec le titre un peu mystérieux, nous étions prêts à nous embarquer dans l’aventure qui nous conduirait vers LES QUATRE PLUMES BLANCHES…

Dans l’obscurité, toute relative, des nuées d’insectes ont tourbillonné vers l’écran, ivres de chaleur et attirés par la lumière mais qu’importe, la musique du générique nous a fait tout oublier. Oublier la chaleur, les bancs de bois dur, les copains turbulents et les moustiques, oublier tout ce qui n’était pas l’histoire du jeune Harry Faversham, héros sensible et réservé, destiné à la carrière militaire mais qui, persuadé qu’il ne sera jamais un bon soldat, renonce à s'engager et démissionne. Trois de ses camarades, expédiés au Soudan défendre l'Empire, le prennent pour un lâche, et chacun lui envoie une plume blanche, symbole de couardise. Sa fiancée, elle-même, lui fait des reproches et lui donne une quatrième plume arrachée à son éventail. Bouleversé, Harry part incognito pour le Soudan, où, se faisant passer pour un indigène muet, car il ne parle pas arabe, il va sauver un à un ses camarades, leur restituer les plumes et servir glorieusement son pays. Si les spectaculaires scènes de batailles faisaient particulièrement vibrer les garçons, pour ma part je me souviens d’une scène pleine d’émotion où Harry aide un de ses camarades devenu aveugle à la suite d’une insolation, à traverser le désert après le massacre de sa compagnie… Quand le mot « FIN » est apparu à l’écran beaucoup de spectateurs avaient les larmes aux yeux.

C’est ce soir-là que mon amour pour le cinéma d’aventures est né, pour cet art magique qui, en dépit des mauvaises conditions extérieures peut vous transporter dans une autre époque et sous d’autres cieux, vous plonger dans des situations incroyables, vous faire vivre des histoires palpitantes et éprouver empathie ou antipathie pour des personnages toujours hors du commun.

Kalé'reporter

Nostalgie d'une époque où le cinéma était reçu comme un évènement magique.
Aujourd'hui, l'image animée sur écran est tellement banale qu'on en vient à ignorer que si le cinéma est une industrie, la réalisation d'un film est toujours une aventure.

Modératrice

Un souvenir inoubliable pour toi, malgré les mauvaises conditions !
Très joliment raconté ! flower

**Maîtrise le sujet**

Tu nous fait revivre "en technicolor", cette soirée, ce film et toute l'ambiance autour.
C'est très réussi, et en plus rappelle le temps des grandes vacances (qui me rendent nostalgique)

bravo!