Kaléïdoplumes 2 : 2010 / 2013
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 Peine perdue

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alainx
Amanda
Jean Pierre 19
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Jean Pierre 19
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Jean Pierre 19



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MessageSujet: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeMar 6 Nov 2012 - 9:34

Peine perdue

Six heures du matin, deux motards et une voiture de police encadrent un fourgon.
Pas de sirène, le ciel est sombre, lugubre.
A l’intérieur, quatre flics et José.
Dans une heure ou deux, il va mourir.
Il n’attend aucune grâce.


De toute façon, qu’en ferait-il de cette grâce ? Sa vie – ou plutôt ce qu’il en a fait - n’est-elle pas déjà consumée aux trois-quarts ?
Alors que l’aurore colorait de rose le ciel au-dessus des toits de la capitale, la clé a grincé dans la serrure et le gardien est entré. José ne dormait pas, il n’a donc pas eu besoin de sursauter. Le maton a déposé un plateau sur la table métallique à la peinture écaillée. José s’est levé et a souri faiblement en découvrant la tasse de café fumant, le petit verre de cognac, l’unique Gauloise voisinant avec un Zippo aux gravures guillochées.
Le maton a eu la délicatesse de retourner dans le couloir et de laisser le détenu seul. Ce dernier a versé le verre d’alcool dans la tasse et a savouré longuement le breuvage parfumé. Bien qu’il fut un fumeur invétéré, les bouffées de la cigarette lui ont paru âcres. Il est lui venu à l’esprit cette idée curieuse que son palais savait ce qui allait suivre, qu’il s’était déjà mis en état de mort latente …
Les couloirs qu’il avait si souvent arpentés lors des promenades ou des visites à l’infirmerie ou à l’atelier lui ont paru interminables. Dehors, un petit vent frais prenait les arbres à rebrousse-feuilles. Invisible au cœur d’un massif de forsythias, un merle sifflait sa joie de vivre.
Le fourgon roule à présent à vive allure, cahotant sur les quais de Seine. José imagine la cour pavée, les bois de justice avec leur couperet effilé qui attendent patiemment que l’heure soit venue, la corbeille d’osier, les gardes immobiles, le bourreau figé dans l’impassibilité de sa fonction…
Trop tard, oui c’est vraiment trop tard !
Pourtant, quand il a connu Sylvie, José, le malfrat, a cru un moment à la possibilité d’un miracle. Suite à un braquage qui s’était une fois de plus terminé piteusement, il venait de purger cinq années de réclusion. Une fois réaccoutumé à la vie extérieure chez sa sœur jumelle qui avait fini par consentir à l’héberger avec la même allégresse qui nous anime lorsqu’on ramasse un fruit à demi-pourri tombé de l’arbre, il s’était résolu à se présenter à l’ANPE, première étape d’une reconstruction à laquelle il s’efforçait de croire de toute son âme.
La préposée à l’accueil était une jeune femme blonde d’environ vingt-cinq ans, avec un visage aux traits fins qu’éclairaient deux yeux immenses, d’une étonnante couleur véronique. Par une de ces étranges alchimies que l’amour s'ingénie parfois à concocter , une improbable affinité était née quasi instantanément entre la jeune femme et l’ex-taulard.
Ça avait été le début d’une histoire passionnée, comme seuls deux extrêmes paraissent capables d’en inventer. Sylvie avait tout donné à José et réciproquement. Pour lui, elle avait été le bout du tunnel, l’espérance faite femme, la plénitude de l’amour au quotidien.
Pour elle, il était prêt à tout. Au meilleur qui dormait en lui depuis trop longtemps comme au pire qui naviguait en plongée tout près de la surface et ne demandait qu’à résurger.
Un jour, ivre de rage, il s’arma d’un couteau, sonna chez elle et la frappa sauvagement. Tout ça parce qu’un imbécile qui se prétendait son ami lui avait juré avoir aperçu Sylvie en compagnie d’un autre homme. La passion exacerbée conjuguée aux affabulations d’un pousse- au-crime engendre parfois de terrifiants accès de jalousie. José allait une fois de plus en payer le prix…
Lorsque le couperet tomba, il se fit un grand silence dans la cour de la prison. Puis le clocher le plus proche égrena lentement ses huit coups, comme un glas. Un soleil radieux était parvenu à percer la brume qui recouvrait Paris.
Le calendrier indiquait la date du 15 février 1981. Trois mois plus tard, quasiment jour pour jour, Robert Badinter monterait à la tribune de l’Assemblée Nationale…
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Amanda
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MessageSujet: Re: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeMar 6 Nov 2012 - 17:57

C'est une histoire vraie ou tu as inventé ?
Parce que la chute ( bien à propos) incite à le croire...

C'est un bon texte Jean-Pierre, mais comment te dire ? Ce qui me dérange dans cette histoire atroce, ce sont les digressions. Même si elles sont poétiques....ex " un petit vent frais prenait les arbres à rebrousse-feuilles, un merle chantait.."
Je pense que tu écris comme cela pour donner un cadre à ton histoire, mais parfois on perd le fil avec des phrases trop longues. J'ai bien aimé le passage sur la "soeur jumelle et son allégresse..." mais relis-là un peu, elle est interminable. Tu pouvais dire la même chose en coupant dans tes phrases.
Je te dis mon impression parce que le lecteur risque de se lasser un peu et de sauter des lignes pour savoir la fin.
Tu me fais penser à ces peintres qui toujours insatisfaits remette une couche d'huile et puis encore et encore. Le résultat donne parfois un tableau trop chargé en couleurs.
J'espère que tu ne prendras pas mon comm' comme une critique négative, ton texte est bon, je le répète flower
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alainx
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MessageSujet: Re: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeMar 6 Nov 2012 - 19:46

Ce qui me gêne dans ce texte c'est qu'il ne correspond pas à la réalité d'une exécution capitale en France.
Ça ne se passe pas comme ça.
Voir à ce sujet le livre « L'exécution » de Robert Badinter, le hasard faisant que je l'ai relu il n'y a pas très longtemps.
Ou l'article de maître Eolas, Qui s'inspire d'ailleurs de ce livre

http://www.maitre-eolas.fr/post/2006/10/09/442-ca-se-passait-comme-cela

en outre la dernière exécution capitale date de 1977.

alors évidemment, on peut faire totalement dans la fiction et inventer ce que bon nous semble…
Pour moi, ça pose le problème général de la « crédibilité » d'un texte qui rend compte d'une réalité codifiée et immuable.

Je sais bien que la consigne elle-même n'incite pas au respect du réel, puisqu'elle commence par un long incipit qui ne correspond pas lui-même au réel…

Hormis ces questions sur la littérature en général… (Aspect crédibilité), bien entendu le texte est d'une écriture intéressante, encore que je rejoins assez bien les réactions d'Amanda.
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Jean Pierre 19
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MessageSujet: Re: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeMer 7 Nov 2012 - 8:40

Cette histoire est une pure fiction et je n'ai pas cherché à retranscrire l'exacte vérité d'une exécution capitale. D'autres l'ont relaté (dont Robert Badinter) avant moi, infiniment mieux que je n'aurais pu le faire.
Pour ce qui est des phrases longues, certains me le reprochent, d'autres au contraire apprécient. Comme souvent, la vérité doit être au milieu mais il est vrai que c'est dans mon style de procéder ainsi.
Quant aux digressions que souligne Amanda, ( le vent, le soleil, le merle...)il m'a semblé qu'elles constituaient une opposition intéressante entre la mort qui s'approche ou qui a déjà œuvré et la vie qui continue comme si de rien n'était.
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Nerwen
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MessageSujet: Re: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeMer 7 Nov 2012 - 13:18

Je comprends tes arguments et je pense qu'ils sont tout à fait recevables. Ta description des derniers instants du condamné correspond à une image qui existe dans notre imaginaire et qui remonte à bien plus longtemps. Peut-êtrer aurais-tu pu éviter la référence à Badinter qui "date" trop ton texte. Sans date, tu restais complétement dans la fiction.
Enfin, c'est comme ça que je le sens sais pas ...
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Sel
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MessageSujet: Re: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeMer 7 Nov 2012 - 21:12

Effectivement, on sent bien le "style" Jean-Pierre, et j'aime cela, alors, cela ne me gêne pas ! Smile (même s'il est possible que cela "marche" peut-être mieux avec les souvenirs d'enfance qu'avec les derniers jours d'un condamné...)

J'ai une question :
Jean Pierre 19 a écrit:
La passion exacerbée conjuguée aux affabulations d’un pousse- au-crime engendre parfois de terrifiants accès de jalousie. José allait une fois de plus en payer le prix…
Est-ce que José a déjà commis le même genre de crime (meurtre dû à la jalousie ) auparavant ? Telle qu'est ta phrase, on comprend que José, de nouveau, est victime de la jalousie. ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il en est une victime de plus, c'est bien cela ?
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catsoniou
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MessageSujet: Re: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeMer 7 Nov 2012 - 22:37

Ta description du macabre scénario précédant l'exécution me rappelle le film "le pull-over rouge" ...
Mais peut-être, comme l'écrit Alainx, dans la réalité, cela ne se passait pas comme ça . Et là aussi, j'ai un souvenir précis : six heures du matin, je prenais mon petit déjeuner avant d'embaucher. Le transistor annonce : Christian Rannuci a été exécuté ce matin, et cela m'a fait comme un choc renforcé quand Gilles Perrault est venu dédicacer son livre en parallèle avec le passage du film... (C'était dans une autre ville quelques années plus tard).

Cette consigne présente un avantage: sa traduction en sujets suscite plein de souvenirs... pas forcément très amusants ...
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Jean Pierre 19
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MessageSujet: Re: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeJeu 8 Nov 2012 - 9:54

Jean Pierre 19 a écrit:
La passion exacerbée conjuguée aux affabulations d’un pousse- au-crime engendre parfois de terrifiants accès de jalousie. José allait une fois de plus en payer le prix…

Effectivement, ma phrase est bâtarde et prête à confusion. J'aurais dû écrire :
La passion exacerbée conjuguée aux affabulations d'un pousse-au-crime engendre parfois de terrifiants accès de jalousie. José allait devoir en payer le prix fort...

Pour ce qui est de la réalité d'une exécution capitale, je sais que ça ne se déroulait pas ainsi. Mais étant dans la pure fiction, j'ai imaginé ma propre version... Après, peut-être le scénario réel est-il trop ancré dans la mémoire collective pour accepter que l'on puisse décrire autre chose que la réalité glaçante, par ailleurs abondamment évoquée comme précisé lors de plusieurs commentaires.
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MessageSujet: Re: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeJeu 8 Nov 2012 - 11:36

Mon premier commentaire n'était pas une critique au sens : c'est pas bien de faire comme ça !
C'est plutôt une interrogation sur la place de la « réalité » dans une oeuvre de fiction…
quand on part dans un délire, une exagération, une parodie, etc. tout passe très bien… ( À condition bien entendue qu'on sache un peu manier ce genre de style…)

Quand la thématique est sérieuse, et Dieu sait si ici la consigne ne pousse pas la franche rigolade… Jusqu'où peut-on aller dans l'inventivité ?

Ce que tu dis, Jean-Pierre :
Citation :
peut-être le scénario réel est-il trop ancré dans la mémoire collective pour accepter que l'on puisse décrire autre chose que la réalité glaçante
, apporte un éclairage intéressant…
Et justement, ton texte, à cause de notre mémoire collective, a quelque chose d'interpellant, puis que tu déroges au scénario que nous avons en mémoire.
Au final, d'une certaine manière, c'est sans doute là la richesse de ce que tu as écrit…
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MessageSujet: Re: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeVen 9 Nov 2012 - 10:47

J'arrive après la bataille si je puis dire, étant absente cette semaine, je n'ai pas pu lire les textes à mesure qu'ils étaient postés (ce que je n'aime pas car du coup, j'ai tendance à lire plus vite et avec moins d'esprit critique)
Beaucoup de choses ont été dites dans les coms, j'adhère à certains, particulièrement à celui de Nerwen. et je rejoins Cats car en commençant ton texte, j'ai eu la même idée que lui, j'ai pensé au livre "le pullover rouge" J'ai aussi pensé à un autre livre "Le chant du bourreau" de Norman Mailer que j'ai dans ma biblio et qui m'avait fortement marqué lors de sa lecture. (je vous le conseille malgré l'épaisseur du bouquin qui est un véritable pavé!!!!)
Ton style est très agréable à lire, c'est indéniable, il n'y a pas de faute de style, ni de grammaire, ni quoi que ce soit d'autre. Mais tu devrais t'essayer, lors de prochaines consignes courtes à une écriture plus concentrée, plus ramassée, juste pour voir ce que ça donne (certaines consignes s'y prêtent, d'autres non)
Tu es doué, très doué, c'est pour cette raison que j'ai envie de te voir t'essayer dans d'autres formes d'écriture sunny
Et que je continue à aimer ce style d'écriture qui n'appartient qu'à toi!
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MessageSujet: Re: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeVen 9 Nov 2012 - 14:28

Merci pour tous ces commentaires étayés. Je verrai dans les prochaines consignes si je peux mettre certaines remarques en pratique !.... Smile
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MessageSujet: Re: Peine perdue   Peine perdue I_icon_minitimeDim 11 Nov 2012 - 13:30

Je pense que l'écriture de Jean Pierre ne donne sa pleine mesure qu'au travers de textes plus longs et où peut entrer une part de poésie. Ici, la consigne n'incitait pas à faire dans la dentelle. Ceci explique cela pour moi. Une seule phrase m'a quand même un peu gênée : "il n'a pas eu besoin de sursauter" Alors que sursauter se fait indépendamment de sa volonté, il semblerait qu'ici ce soit une phase attendue dans le processus.
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