José le désabusé

Six heures du matin, deux motards et une voiture de police encadrent un fourgon.
Pas de sirène, le ciel est sombre, lugubre.
A l'intérieur, quatre flics et José.

Dans une heure ou deux, il va mourir. Il n'attend aucune grâce.

Aucune non ; il la sent déjà qui rôde dans ce vieux fourgon où la seule lumière qui éclaire l'habitacle est par intermittence le pâle reflet des candélabres.
Fier, il n'a aucun regard pour les geôliers qui l'encadre. Ses yeux noirs et profonds sont concentrés sur le bout de ses chaussures élimées où le bord décousu sur le côté laisse deviner une chaussette verte bouteille dessous ; il est déjà ailleurs José.

Ses mains sont croisées : prie t-il ? Implore t-il le pardon pour sa faute, pour ne pas avoir réussi à passer inaperçu dans cette foule dense ?

Ses longues mèches noires et frisées encadrent librement son visage. Il les rejette sans cesse d'un mouvement de tête, lui l'arrêté, lui l'enfermé de ce fourgon.

Où l'emmène t-il ? Ça ne finira donc jamais... Autant se donner la mort, autant mourir tout de suite, il n'en peut plus de se battre, de lutter, d'apprendre le français jour après jour de s'appliquer à le parler correctement, de connaître l'histoire de France mieux que tous les petits français collégiens... Tout ça pour quoi ? Pour se faire arrêter comme un vulgaire sans papier qui ne fait rien pour s'intégrer ?

Cette ultime arrestation est celle de trop. Il se rend compte que toujours on le jugera à son faciès, il croyait à l'éden il est tombé en enfer, mais s'en est fini de son chemin de croix, il ne leur dira pas que ses papiers de naturalisation sont en phase finale, qu'il a passé haut la main tous les examens, que la France, enfin l'état français le reconnaît enfin comme un des leurs, qu'il appartient à ce pays.

Il est déjà mort. D'ailleurs, il n'a jamais été libre, sa vie n'a été qu'un carcan, où tout le monde a toujours décidé pour lui, il fallait qu'il réussisse à venir en France, tant pis si c'était au détriment de sa dignité, s'il fallait perdre toute fierté de soi-même dans la cale d'un bateau surchargé ; déjà enfermé par des marchands d'esclave de son pays, sans aucune pitié... avec un cœur en forme de billet de banque.

Le fourgon s'arrête. On lui demande de descendre. Il s'exécute, il est déjà au plus bas, décidé à retourner son pays d'où il va être rejeté également pour n'avoir pas réussi... tant pis, il errera de place en place en mendiant, mais il sera libre. Enfin.

Sol-eille, ton texte commence bien, on est pris par ton personnage.
Il continue et décrit avec exactitude le triste parcours de ce sans-papier.
Mais je n'ai pas compris la fin, je m'y noie.
Au départ il va mourir...
A la fin, tu dis qu'il retourne dans son pays dont il va être rejeté et qu'il errera en mendiant, de place en place. Mais enfin il sera libre...
Est-ce un métaphore pour parler de sa vie dans l'au-delà ?J'aimerais que tu m'éclaires sur ce point

Ton personnage est attachant et bien mis en scène
C'est vrai que la fin contredit l'incipit, mais peut-être faut-il y prendre le mot "mourir' au sens figuré, José sait qu'il va être extradé et considère cela comme une mort, celle de ses espoirs et de ses illusions...

Effectivement, le dernier paragraphe semble contredire le début et moi aussi, j'ai du mal à voir si c'est voulu ou non.

Pour le reste, je rejoints Amanda et Nerwen pour te féliciter, en particulier pour les premiers paragraphes (sans doute que j'aime les descrptions, ça m'aide à me représenter la scène).

Oui voilà, c'est une mort pour lui que l'échec de cette arrestation...
libre mais rejeté de tous et en mendiant... la liberté à ce prix

désolée d'avoir fait flou... je vais essayer d'améliorer la fin...

Citation :

Implore t-il le pardon pour sa faute, pour ne pas avoir réussi à passer inaperçu dans cette foule dense ?

Quand, l'ambition, l'objectif, se limite à passer inaperçu dans la foule, alors, oui, mourir peut revêtir plusieurs aspects.
Peut-être eut-il fallu mieux expliciter la fin ?

J'aime beaucoup les idées sous-jacentes au texte.
Finalement c'est quoi "vivre" ?
Ici la mort n'est pas le décès
Cela évoque la fiction juridique de la "mort civile"...
Ce truc affreux que notre Bon Sarko était pas loin de remettre au gout du jour....
Et qui est la pire des choses.
Tu vis, mais c'est comme si tu étais mort, puisque "réputé ne pas avoir d'existence"...

Mais, en effet, la finale serait à remanier pour pas qu'on s'y perde.....

J'ai très bien compris que la mort n'était que symbolique, cela donc ne me dérange en rien dans ton texte.
Par contre, j'ai trouvé cette phrase

Citation :

Fier, il n'a aucun regard pour les geôliers qui l'encadre. Ses yeux noirs et profonds sont concentrés sur le bout de ses chaussures élimées où le bord décousu sur le côté laisse deviner une chaussette verte bouteille dessous ; il est déjà ailleurs José.

trop longue et mal dite/
Il y a aussi 1 ou 2 répétitions qui m'ont gênées et il manque un mot

Citation :

décidé à retourner son pays

Je sais que la relecture est pénible pour beaucoup d'entre nous (moi la première) mais je ne le dirai jamais assez: il faut relire le texte à voix haute: si la langue fourche, c'est qu'il y a un problème.

A part ces détails, c'est un très bon texte, avec une consigne traitée différemment, et de façon très intéressante

oups oups oups !!!
Tu as raison Admin, je me relis en diagonale... et je ne lis jamais mon texte à haute voix... bien de trop peur que les mots s'en aillent...