Six heures du matin, deux motards et une voiture de police encadrent un fourgon.
Pas de sirène, le ciel est sombre, lugubre.
A l'intérieur, quatre flics et José.
Dans une heure ou deux, il va mourir. Il n'attend aucune grâce. De toutes façons, il le sait, tout cela est bidon. Une mise en scène dont « ils » ont l'habitude. Lui-même, au temps de ses années de gloire dans le clan mafieux, il avait été faux-flic pour ce genre d'exécution. Heureusement, c'était toujours l'un des motards qui tirait les deux balles dans la nuque. C'était la tradition. On tirait dans le dos, parce qu'on ne bandait pas les yeux du condamné. Il paraît que c'était dans le code d'honneur du clan.
Si la mise en scène était bidon, l'exécution hélas ne l'était pas. Il aurait droit à ses deux balles dans la nuque, comme les autres. FLOUCH, FLOUH, avec le silencieux. José allait mourir comme dans les romans de gare, pour une histoire de fesses. La belle Carmencita, l'enjôleuse. La meuf attitrée de Ramon, le chef du clan, celui qui organisait les braquages, les prises d'otages, le trafic des cigarettes, l'exploitation des roms par la mendicité forcée, et toutes ces petites choses qui rapportent de la thune. Tout ça, pour offrir une vie somptueuse à Carmencita dont Ramon est fou de désir 24 heures sur 24.
José n'aurait pas dû regarder aussi ostensiblement l'extraordinaire poitrine de Carmencita qui avait coûté une petite fortune à Ramon, question chirurgie esthétique. José n'aurait pas dû effleurer sa robe par derrière, histoire de voir si la chirurgie avait aussi oeuvrée de ce côté-là. José n'aurait pas dû lui lancer de tels regards appuyés en présence de Ramon, comme pour défier ce gros porc qui ne méritait pas de foutre ses paluches sur le corps de Carmencita. José n'aurait pas dû minimiser la jalousie maladive et bestiale du chef du clan.
C'est quand Ramon lui avait demandé de sortir du garage le faux fourgon carcéral dont ils se servaient pour de multiples trafics,c'est quand Ramon lui avait précisé : "pas la peine de revêtir l'uniforme de flic", qu'il avait enfin compris le sort qui l'attendait. Il avait obéi. Il n'avait pas moufté, il savait qu'il aurait une sorte de « mort propre », parce que Ramon avait apprécié ses "services" et son "engagement fidèle". Mais voila, fallait pas regarder Carmencita. Ça c'était insupportable.
Au moins il ne crèverait pas comme Agostino, toujours trop chaud lapin, s'approchant trop près lui aussi de la belle, que Ramon avait torturé durant trois jours avant de mettre le feu à son corps encore vivant, loin dans la foret. Là, pour José, ce sera une mort nette et sans bavure.
Alors oui, il va mourir. Il n'attend aucune grâce.