Vois comme je te ressemble
Ce jeune homme taillé à la serpe, qui a l’air empêtré de beauté et d’assurance, ce pourrait être vous.
Alors on dira que c’est vous.
Vous passez dans le métro, le pas décidé, le menton haut et le regard fier. Vous avez l’assurance que donnent la jeunesse, la force et l’inconscience. Quand vous croisez une fille, vous plantez vos yeux dans les siens d’un air de dire « Toi, je vais te mettre dans toutes les positions ».
Mais ce portrait de jeune fille qui vous regarde derrière ses mains ; ça, ça vous agace. Parce que c’est aussi évident et impossible qu’une phrase telle que « la terre est bleue comme une orange ».
Une fille qui vous agace, ça n’est pas possible. Vous savez qu’elle vous parle mais pour dire quoi ?
Les filles vous ont toujours fasciné. Depuis plus anciens souvenirs d’école maternelle. Elles vous ont toujours parues étranges… intelligentes mais décalées… comme si elles vous ramenaient à un certain solide bon sens paysan extrêmement terre à terre. Alors qu'elles, elles vous sont tellement supérieures de sensibilité et d'intelligence...
« Je ne parlerai pas, je ne penserai rien de cette photo » Vous dites vous.
Mais lutter contre une pulsion subite équivaut à tomber dedans.
Les filles ont quelque chose que tu n’as pas. Tu ne l’auras jamais et tu ne sauras jamais, non plus, de quoi il s’agit.
En fait, dans le mystère féminin se trouve ta part de féminité soigneusement refoulée et que tu es déterminé à ne pas voir en face.
Ta mère t’a pourtant élevé avec amour, comme il se doit.
Mais ton père t’a élevé à la dure. « Tu ne seras pas une tarlouze ; mon fils ».
L’alcool au quotidien n’arrangeait rien. Mais jusqu’à tes 18 ans, tu croyais que tous les enfants recevaient des beignes et toutes les épouses des insultes.
Il était normal de mépriser les femmes. C’est comme ça qu’on les aime.
A ta naissance, tu as été consacré à Saint Joseph de la Montagne ; un saint très vénéré dans l’Espagne très religieuse et franquiste.
Tu as reçu tous les bienfaits d’une éducation religieuse catholique, apostolique et romaine.
Cette fille qui te regarde de façon si étrange s’adresse à toi.
Elle te dit « Aimer, ça s’apprend. Aimer réellement, sans entraves, ça n’est pas donné à tout le monde.
Nous aussi, les femmes, nous tombons souvent dans les pièges d’un amour qui n’en est pas. Bien des hommes confondent amour et possession. Ils sont jaloux par mimétisme et ne seraient pas jaloux s’il n’avaient jamais entendu parler de la jalousie.
Au fond, vois comme je te ressemble »