Le choc du Bosplot

Passant devant la gare du Bosplot, mon sang n'a fait qu'un tour : mais le voilà mon sujet tout prêt, ce qui avec la canicule régnant ces jours-ci, présente un avantage non négligeable.
Ecrit en 2009  pour Camille à titre d'exemple pour l'inspirer dans la perspective d'un devoir de français relatif à un incident de la circulation routière.

Au cas où vous passeriez par là , voici la gare  du Bosplot .

                                                  Image Google

L'incident s'est produit à quelque 20 mètres de la gare désaffectée  du tacot.


- Va donc chercher des marrons comme t’y a invité ton cousin du Planchat, et t’arrête pas un heure au Bistrot comme t’as l’habitude.

-  Je ferais comme je pourrais, répond Jean Bosplot à sa femme, la Josette.... Et de marronner dans sa barbe de huit jours  « Cause toujours...  avec cette babeurre, un canon ne saurait me faire de mal …

Au retour de sa cueillette qui  s’avéra abondante, le Jean, considérant que cela valait largement un arrêt au Pescher, fit une halte d’une bonne heure ponctuée  de tournées de rosé, renouvelées au gré des entrées des potes au Bistrot.

- Hou là ! Sept heures moins cinq… Va faire beau la Josette, ça fait bien trois plombes que je suis parti !  Et le voilà qui cause à sa bagnole  sur le parking: Allez ! Ma Clio, on y va… Mais non ! J’ai pas bu !

Au même moment, du côté de St-Basile de Meyssac, au volant de son cabriolet 9-3 SAAB, flambant neuf :

- 18 heures 52  déjà !  Anémone doit s’impatienter du côté de Castelnovel. Ils peuvent bien commencer sans moi...

Il pensait  au  lunch de la Financière du Luxembourg dont il était le vice-président. Sa réunion avec le directeur de Sothys  avait duré plus que prévu. N'en dites rien à Anémone, mais il y avait eu  aussi, cet après-midi,  Véronique... Et là, ma foi, la discussion (et le reste) c'était bien agréable.  

La rencontre  du Jean et de l'Ernest-Antoine était inévitable...

- Mais Nom de Dieu, qu’est-ce qu’il fout ce  zèbre avec sa tire ?

- Il est au milieu de la route ce plouc !

Craaac !!! Pan !!! Boum !!!

La SAAB et la Clio venaient de faire brutalement connaissance au carrefour du Bosplot, y laissant, pour la belle SAAB une éraflure bien alignée sur les portières avant et arrière droites, alors que le rétroviseur  de la Clio se balançait lamentablement au bout des fils électriques qui le retenaient encore à la carrosserie.

- Mais Monsieur, la priorité à droite, on ne connaît pas dans la campagne corrézienne ?

- Et vous, il vous faut toute la route ?

Ainsi débutait la discussion entre  Jean Bosplot et Ernest-Antoine de Crumière-Sourdoire. Il apparaissait évident qu’aucun des protagonistes n’allait accepter d’endosser la responsabilité du sinistre. Cependant, quoique de milieu social différent, au vu de leurs autos et tenues vestimentaires respectives, les deux protagonistes avaient un point commun : l’agacement mutuel de leurs épouses s’ils tardaient encore  à faire leur apparition devant leurs augustes personnes.

- Écoutez, mon cher,  les dégâts  sont plus importants, la réparation  plus onéreuse pour mon cabriolet que pour votre voiture, mais si vous y consentez, je peux user de mon influence auprès de mon assurance, vu que le PDG est de mes amis, pour prendre tous les frais en compte, sans que nos bonus respectifs en pâtissent. Permettez que je me présente : Ernest-Antoine de Crumière Sourdoire. Vous êtes Monsieur … ?

- Fichtre !!! Si mon  langage égalait votre ramage, je n’oserais à peine décliner mon identité : Jean Bosplot de Ventejol, enfin habitant le village portant ce nom, et le hasard ne faisant pas les choses à demi, nous faisons connaissance au Bosplot du Pescher ! Mais par quel miracle, avez-vous un patronyme identique à un village du secteur et du ruisseau qui traverse la commune ?

- Allez ! je vais vous faire un aveu que je ne ferais pas même à mon confesseur : je suis né Emile  Lefauché, et dans les « affaires », c’est plutôt dur à porter, et tant qu’à changer de nom, j’ai choisi un  nom à rallonge en feuilletant  mon atlas. Le hasard a aussi voulu que je tombe sur la commune du Pescher. Quant au prénom, un Baron, qui a fort bien réussi dans mon milieu, m’a inspiré.

- Alors, Jean, on y va comme ça pour les frais ?

- A une condition, Ernest - Antoine: souffrez que je paye ma tournée au Bistrot du Pescher. La Josette peut bien attendre un quart d’heure de plus.

- Idem pour mon Anémone. On y va !

Ainsi se terminait  dans l’intérêt mutuel la rencontre inopinée  de deux automobilistes  qui, sans cette embrassade de leurs voitures respectives, n’auraient jamais partagé le verre de l’amitié.


Je ne peux faire moins que vous inviter  si par hypothèse improbable, vos pas ou votre itinéraire vous amenaient dans les parage par un chaleur caniculaire :  voici le bistrot où Jean et Ernest-Antoine se remettaient de leurs émotions...
                                 Google, compréhensif, m'a refilé cette image...
                                             

Mmoui, mmoui, mmoui, ils se sont bien arrangés leurs affaires ces deux là! Aussi irréprochables l'un que l'autre  

L'histoire ne le dit pas, mais sont-ils restés en contact ? Je suis sûre que tu connais la suite  

 

Je me vois très bien, au volant de ma Deux Pattes, faire halte au bistrot du Pescher. Peut-être y rencontrerai-je tes deux savoureux protagonistes ?
Bravo pour cette anecdote écrite de main de maître !

Une belle histoire dans laquelle on se laisse conduire -c'est le cas de le dire ! J'aime bien quand sur un texte comme celui-ci, le lecteur est tenu en haleine tant et si bien qu'on arrive au bout avec le plaisir simple de la lecture. C'est bien mené et bien fait !   

Une façon originale de faire connaissance. Un histoire pittoresque, raconté avec beaucoup de bonne humeur.

Ah ! Quelle histoire comme tu sais si bien nous les conter, avec humour et gouaille !  
J'ai retrouvé dans ton texte des expressions typiques de la région que j'adore : marronner dans sa barbe entre autre ! Quand on va ramasser les marrons...ça s'impose !