Le catalpa se rebiffe.
" Non! Pour qui se prennent-ils donc ces hommes venus de loin? Ils croient pouvoir disposer de moi comme d'un bichon pour totoche, dévoué, docile et d'ornement.
Non. Je revendique la liberté d'exister. Comme un Cherokee d'origine !
Semence, je m'envole, me roule sous le vent, me sème où bon me semble, m'insinue dans la mousse sous l'œil coquin d'une lune complice. Et je pousse, crescendo, vert et tendre, gobe rosée et moelle d'humus juteuse. Point de scrupules pour développer mes feuilles en cœur et mes fleurs en bouquets. Et j'héberge qui je veux! Le hibou, le merle ou le pigeon sont les bienvenus pour hululer, siffler ou roucouler, nidifier et même proliférer. Je les félicite encore et leur offre le gîte et le couvert. En fin d'été, je développe mes gousses et, petite coquetterie, je m'empourpre. Puis m'effeuille, lentement. C'est plus commode pour roupiller tout l'hiver et pouvoir encore mieux recommencer dès le printemps.
Si mes vieux trop gentils, trop dociles ornent encore vos énormes pelouses trop BCBG, ce n'est plus pour longtemps. Bientôt dégénérés, desséchés d'ennui comme des perchoirs pour pendus, ils tomberont d'un coup sec sur vos fleurs domestiques. R.I.P. vos potiches !
Nous, les non civilisés, toujours verts d'esprit, libres et prolifiques, nous irons encore et encore coloniser où nous le voulons. Nous vous inviterons pour écouter dans le vent nos mélopées issues du terroir de nos sources indiennes. Venez nous voir et vous en conviendrez : l'enfer vert, c'est l'Eden !"
Largo