(Merci de lire auparavant "Se casser away !")Larguer les amarres
Je suis un type asssez épatant, finalement ! J’ai de la personnalité et quand je suis à court d’argent j’ai toujours une idée géniale qui vient titiller mon neurone et me sauver la mise.
Mes parents ne sont pas d’accord avec une vision de moi aussi positive et j’ai déjà entendu ma mère dire à mon beau-père que mon destin était celui d’un arnaqueur. Ca m’énerve un peu qu’elle me juge immature alors que, tout simplement, j’ai des disposition naturelles pour gagner beaucoup d’argent. Même si, en ce moment, je gagne ma vie petitement en ramant, ou plutôt en godillant, sur ce lac canadien. Je suis pilote de tapis flottant.
Ma mère dit que je devrais écrire des romans. Quand elle commence à dégoiser, je me retire en vitesse et je retourne bosser car cette chère amie me soûle.
Le lac est reposant, les clients sympathiques, même s’ils sont un peu niaiseux. Souvent ce sont des jeunes filles pas très intelligentes qui sont amoureuses d’un garçon, lequel a de l’argent et leur paie la balade sur l’eau dans l’espoir de pouvoir les embrasser loin de la rive. C’est très gentil de sa part mais quelquefois, à force de causer comme une encyclopédie, j’en vois qui se ramassent vite fait un râteau sur mon radeau.
J’ai déjà assisté à de ces scènes, sur ma Seine ! J’ai entendu quelques bordées d’injures pas tristes en provenance des matelotes. Parfois même, je les note :
- Je suis une jeune fille discrète et rangée, Raoul, mais ça me sidère de voir que tu es aussi nul comme dragueur ! »
- Toi, Isidore ? Me prendre la main, ici ? Devant le gondolier ? Quelle galéjade ! Ca t’arrive souvent d’être ému comme cela, au point d’être aussi peu intéressant qu’un petit enfant ? »
- Tu m’énerves, Alfred ! Tu es vraiment pénible ! La boisson ne te réussit vraiment pas ! Te voilà en train de vomir par-dessus le bastingage alors que nous avions réussi à échapper à la vigilance de la pauvre fille qui me sert de duègne ! »
- S’il te plaît.. Embrasse-moi, idiot ! »
Cette fois-là, pas de bol pour Théodore, ça na pas marché : ce jour-là il avait des aphtes !
J’enrage quelquefois de penser que ma mère a raison. Est-ce parce qu’elle souffre de neurasthénie ? Est-ce qu’elle est très jalouse des succès de mon demi-frère ? En tout cas cette avare essaie toujours de me faire comprendre que je ne serai jamais, malgré mes talents, riche comme elle qui possède cet hôtel luxueux au bout du lac. « Il est mignon, n’est-ce pas ? » demande-t-elle toujours.
C’est vrai, c’est ennuyeux de devoir lui amener mes clients afin qu’elle les bichonne quelques temps contre de l’argent, qu’elle « garde ces enfants ». Mais un jour j’échapperai vraiment à sa mainmise. J’irai fonder une famille non recomposée. Attention ! Ca va faire mal le jour où je couperai le cordon ! Son château, on ne peut y aller qu’en bateau ! En partant, je crèverai le fond de toutes les barques des environs !
L'image est empruntée à Plonk et Replonk. Le vocabulaire de "Se casser away" est emprunté à Claire Bretécher et à son Agrippine !