- « Comment va-t-elle, docteur ?
- « Guère mieux, je le crains. Le dernier traitement n’a pas fonctionné, et son état ne s’est malheureusement pas amélioré.
Mais venez donc la voir, peut-être que votre présence…. »
Une pièce, joliment décorée, des rideaux en dentelle aux fenêtres, des photos d’enfants, d’adultes, exposées sur un meuble blanc d’hôpital masqué par un large napperon.
Le couple arrive, hésite devant la porte. Elle jette à son mari un regard indéfinissable, mélange de résignation et de douleur.
Il lui serre le bras, sans dire un mot, et la pousse doucement en avant
La pièce résonne d’une étrange voix enfantine :
« Maintenant nous allons tous chanter une jolie chanson à Jeannette, pour la consoler de sa peine.
T’es d’accord, ma Jeannette ?, dit-elle au poupon fatigué qu’elle berçait sans se lasser depuis des heures
Regarde, tout le monde est là, alors ne pleure plus, un bébé courageux comme toi !
Ecoute plutôt, écoute bien :
Ne pleure pa s Jeannette,
Tra la la la la la la la la la la la la
Ne pleure pas Jeannette,
Nous te marrierons, nous te marrierons
Avec le fils d’un prince
Tra la la la la la la la la la la la la
Ou celui d’un baron ou celui d’un baron »
***
Le docteur attendait dans le couloir, sans un mot.
La femme sortit de la chambre, la mine défaite, et parla :
- «En effet, la situation est désespérée, docteur.
Alors je vous demanderai une chose, une seule : tant que sa santé le lui permet, laissez ma pauvre mère vivre dans ses rêves d’enfance, elle semble y être heureuse, plus que dans le réel.
Sa maladie ne guérira pas, je l’ai bien compris maintenant, faites au moins que sa vieillesse lui soit douce et reposante.
J’y veillerai, c’est la dernière chose que je puisse faire pour elle.
Au revoir docteur »