Kaléïdoplumes 2 : 2010 / 2013
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| | Un gosse | |
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+6trainmusical bombadilom PivoineBlanche Nerwen sprite pati 10 participants | Auteur | Message |
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pati Modératrice
| Sujet: Un gosse Mer 6 Avr 2011 - 19:27 | |
| Il a marché toute la nuit. Titubant de fatigue, il s’est effondré sous le premier abri venu. Il a posé son fusil à ses pieds, défait les lanières de son sac à dos, a enlevé son long manteau pour s’en faire une couverture. Il a sombré dans un sommeil de plomb en quelques secondes. À dix-sept ans, on s’endort n’importe où...
Le soleil est déjà chaud quand la femme entre dans la grange. Elle reste figée de stupeur à la vue du soldat endormi. Elle recule en silence et se met à courir. Elle entre en trombe dans la cuisine, où l’homme prend son café. — Il y a un soldat qui dort dans la grange ! L’homme sursaute et se précipite dehors, suivi de loin par la femme apeurée. Le soldat s’est couché tout près de l’entrée, comme s’il n’avait pu aller plus loin. L’homme le regarde, interdit. « C’est rien qu’un gosse, merde... ». Il aperçoit le fusil, se penche sans bruit et le prend, par réflexe. C’est le moment que choisit le soldat pour ouvrir des yeux embués de sommeil. Il y a un moment de flottement, pendant lequel les deux hommes se regardent, sans bouger. L’homme en pyjama, aux manches de veste relevées, et le garçon couché dans la paille, terrorisé. Derrière eux, la femme se met à crier : — Tue-le ! Méritent rien d’autre, ces salauds ! Qu’est-ce que tu fous, là, vas-y, tire ! — Tais-toi ! — Quoi ? — Tais-toi, je te dis ! — Tue-le ! Après ce qu’ils t’ont fait, tu vas pas... — Va-t-en, femme !
Ils sont seuls. Le soldat s’est mis à parler précipitamment. L’homme ne comprend pas le flot de paroles mais il en devine le sens. Il se décide brusquement. — Allez, file, murmure-t-il d’une voix lasse. Le geste de la main qui accompagne ces mots est universel : le soldat se lève d’un bond, fait deux pas vers la sortie et s’arrête brusquement, le regard fixé sur son fusil, que l’homme tient toujours d’une main distraite. Il n’ose plus bouger. L’homme sait bien ce qui panique le garçon. Un soldat sans fusil, c’est un soldat mort. On ne lui pardonnera pas de l’avoir perdu, et il sera sans défense. « Ce serait si simple... » « Mais ce n’est qu’un môme, rien qu’un môme... » « Lui n’hésiterait pas. » L’homme est plongé dans un brouillard opaque, fait de souvenirs noirs et de haine viscérale.
— Pourquoi tu l’as laissé partir avec son fusil ? Pourquoi ?? L’homme se ressert un café et s’assoit lourdement sur le banc. — Chacun a sa part d'ombre, la lumière ne peut pas être toujours là… C’était rien qu’un gosse, femme. Un gosse... | |
| | | sprite Kalé'reporter
| Sujet: Re: Un gosse Mer 6 Avr 2011 - 20:00 | |
| J'ai l'impression que c'est mon grand-pere a moi quoi parle. Je l'avais vaguement evoque dans la consigne sur les grand-peres il me semble.
Il avait ete prisonnier en 14, et bien place dans une ferme mais avait souffert des gaz dans les tranchees. Il n'est donc pas revenu avec des images d'horreur mais avait conscience quand meme de l'horreur de la guerre. En 39-40 donc, sans collaborer il a fait l'interprete pour l'occupant qui dans notre village s'est bien comporte * alors que le village voisin etait aux mains des SS, et que de la partait ceux pour les wagons de la mort. Egalement un cousin, prisonnier en 40, place dans une ferme Allemande, est revenu avec des recits 'de gens biens': on leur avait fait deplacer un placard dans cette ferme, il a fait comprendre au fermier que la photo du Fuhrer s'en trouverait derriere, et le fermier lui a signifie qu'il se trouverait bien mieux la. Ce cousin a epouse la premiere fille qu'il a revu en arrivant au village.
*en arrivant au village, un tank avait demoli le mur de l'ecole pour faire rentrer la colonne qui suivait. Quelques jours plus tard, le chef de leur faction a puni publiquement ce soldat devant toute la population pour avoir detruit sans cause valable. Il aurait suffi qu'ils prennent leur temps pour trouver l'entree plus large par un pre derriere les batiments.
Egalement, les resistants, d'apres ma mere etaient surtout des petits loubards avec des comptes a regler et certaines fermes se sont enrichies avec le marche noir. J'ai mis longtemps a comprendre l'heroisme paisible d ma famille qui n'a pas pris parti, donnant a tout venant, moi qui revait d'un de nos noms sur le monument aux morts lors des defiles du 11 Novembre. Ils sont restes debout pour la France eux! | |
| | | Nerwen Modératrice
| Sujet: Re: Un gosse Mer 6 Avr 2011 - 22:12 | |
| L'intensité dramatique de cette scène est grande et tu la dépeints si bien que la panique du jeune soldat et l'hésitation de l'homme deviennent palpables... | |
| | | PivoineBlanche Maîtrise le sujet
| Sujet: Re: Un gosse Mer 6 Avr 2011 - 23:35 | |
| Cela pourrait aussi être transposé en Afrique, où les soldats sont encore toujours des enfants. Même pas des ados, des enfants... | |
| | | pati Modératrice
| Sujet: Re: Un gosse Mer 6 Avr 2011 - 23:41 | |
| - Citation :
- Cela pourrait aussi être transposé en Afrique, où les soldats sont encore toujours des enfants. Même pas des ados, des enfants...
c'était mon but, pivoine... faire de ce soldat et de cet homme des figures intemporelles, et sans nation. ça pourrait être n'importe quelle guerre, malheureusement. merci à vous trois, pour votre lecture | |
| | | bombadilom Occupe le terrain
| Sujet: Re: Un gosse Mer 6 Avr 2011 - 23:55 | |
| J'aime beaucoup. En arrière plan une autre guerre, une expérience douloureuse. Le pardon de l'homme qui fait taire sa douleur, bouleversé par l'âge du soldat. | |
| | | trainmusical Festoyeur
| Sujet: Re: Un gosse Jeu 7 Avr 2011 - 0:53 | |
| Quel douloureuse histoire, si bien écrite. Pris depuis le premier mot jusqu'au dernier. Encore un texte à verser sur la connerie de la guerre, illustrées justement par Sprite et Pivoine. Pati | |
| | | sprite Kalé'reporter
| Sujet: Re: Un gosse Jeu 7 Avr 2011 - 1:08 | |
| Pour l'Afrique il n'y aurait peut-etre pas de grange, ni de long manteau, ni de cafe brulant... mais des enfants soldats, bien plus jeunes que dix-sept ans, malheureusement.... avec des armes Not made in China.... mais bien de chez nous | |
| | | trainmusical Festoyeur
| | | | catsoniou Kalé'reporter
| Sujet: Re: Un gosse Jeu 7 Avr 2011 - 11:49 | |
| La grange fait qu'on ne pense pas immédiatement à l'Afrique , pourtant les enfants-soldats sont , selon les images médiatiques, foison sur ce continent et ceux qui sciemment mettent un fusil entre les mains des enfants sont des criminels sans scrupules. Ton texte donne à réfléchir : quelle attitude adopter pour les victimes qui ont l'occasion de venger affronts et massacres ? On partage l'avis de l'homme : ce n'est qu'un gosse ... | |
| | | pati Modératrice
| Sujet: Re: Un gosse Jeu 7 Avr 2011 - 12:22 | |
| - Sprite a écrit:
- Pour l'Afrique il n'y aurait peut-etre pas de grange, ni de long manteau, ni de cafe brulant
- Cats a écrit:
- La grange fait qu'on ne pense pas immédiatement à l'Afrique
vous avez raison... comme quoi, il est difficile de 'rendre' une image intemporelle et universelle, quand celle-ci vous pilonne le crâne... d'autant que je suis partie de faits réels, ce qui m'a un peu compliqué la tâche. | |
| | | Bruyère Kalé'reporter
| Sujet: Re: Un gosse Ven 8 Avr 2011 - 10:26 | |
| Toujours la même question: et moi qu'aurais-je fais????? Récit bien conduit jusqu'au dénouement | |
| | | Charlotte Maîtrise le sujet
| Sujet: Re: Un gosse Ven 8 Avr 2011 - 16:23 | |
| Ce texte me fait penser à une petite histoire personnelle que mon père m'a racontée. Cela se passe durant l'été 1944 . Des allemands sont dans notre jardin. Moi je suis dans le jardin ,endormie dans mon landau. Un allemand vient y déposer sous mon coussin, du chocolat. Et mon père de me dire quand il me raconte l'histoire des années après: ce sont des hommes comme nous qui avaient certainement femme et enfants.Ils avaient hâte de rentrer chez eux. Je ne l'ai jamais entendu prononcer le mot "boche" ou utiliser l'expression: "sale boche" Et pourtant son propre frère résistant a été tué par un allemand. | |
| | | Amanda Modératrice
| Sujet: Re: Un gosse Mar 12 Avr 2011 - 15:51 | |
| Une belle histoire dans une sale guerre, n'importe laquelle.... J'ajoute ma petite histoire. Pendant la guerre 194O-1945, mon père a sauté du train qui l'emmenait en Allemagne et a pu se cacher dans les Flandres dans le village natal de ma mère. Celle-ci l'y a rejoint, prévenue par des voisins. Je n'étais pas née, mais ils m'ont raconté que jamais personne ne les a dénoncé. Tout un village pour les protéger...et ils n'avaient pas un sou ! | |
| | | pati Modératrice
| Sujet: Re: Un gosse Mer 13 Avr 2011 - 8:17 | |
| merci à tous je trouve super intéressant que beaucoup d'entre vous aient posé sous mes mots une anecdote vécue par quelqu'un de proche. cela éclaire différemment ces périodes sombres, où qu'elles se situent... | |
| | | sprite Kalé'reporter
| Sujet: Re: Un gosse Mer 13 Avr 2011 - 16:21 | |
| Si tu veux, je pourrais aussi y poser ce que nous sommes en train de vivre vis a vis de la Cote d'Ivoire: la famille de Mel appartenant aux souteneurs du president recemment dechu... les retaliations qui vont s'ensuivre toucheront-elles la famille?
Charlotte, j'ai vecu la meme chose par ma famille vis a vis de l'occupant: je n'ai jamais entendu parler avec haine.
Par contre, a l'adolescence, quand placee au college a cote d'une fille de la petite bourgeoisie du chef-lieu de canton (le magazin de vetements qu'ils possedaient me mettant au rang inferieur automatiquement), elle m'avait bien fait sentir que je n'etais qu'une paysanne (et pourtant elle me copiait dessus tellement elle etait nulle). Ayant rapporte l'anecdote a la maison, ma grand-mere s'est exclamee: -" Tu n'as qu'a lui dire, que sa grand-mere faisait pas tant la fiere quand on l'a cache pendant que son fils etait au maquis. Et elles sont venues aux cerises longtemps apres la guerre!."
Nous avons connu apres la guerre, ceux qui avaient la reconnaissance et ne pouvait pas passer par nos villages sans venir remercier les paysans qui les avaient nourris, et ceux qui etaient redevenus hautains et semblaient avoir oblitere de leure memoire toute cette periode. | |
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