Couleurs révélées

Elle est à Burano, petite île sur la lagune de Venise, avec quelques comparses. Ils tentent de dire un peu, d'une palette fraîche, ce que leurs yeux dévoilent sur ces façades denses. Je ne sais pas peindre et j'envie cet arrêt sur image, plus long que le temps d'une photo, où s'ancrent des visions sur leurs pupilles avides. Moi, c'est la façade bleue qui attire mon regard: j'ai l'oeil sélectif et trop chargé d'azur.



Mais soudain prenant le temps derrière les peintres de ce jour, j'abandonne le céruléen et affine ma vue. C'est la maison verte qui est fixée. C'est elle qui attise les pinceaux. Je n'aurais su la voir si ces peintres en vadrouille ne l'avaient découverte. M'enfonçant dans la touffeur verdoyante, je distingue enfin ce laurier rose dans l'encoignure du mur que les griffures du temps enjolivent et émeuvent. Tous ces verts qui s'offrent, s'appellent, se répondent et donnent au laurier l'écrin de son mérite.
Le peintre traverse l'apparence et rejoint l'effervescence douce d'une lumière qui soudain se dévoile. Dans l'harmonie des verts révélés, un intime s'ébauche, l'insolite s'esquisse.

Absolument d'accord avec la phrase finale !
C'est vrai qu'à Burano, les façades jaunes, roses, rouges et bleues foisonnent, on ne voit que les tons " flashis"
Mais l'oeil exercé de l'artiste ( même si tu dis ne pas savoir "peindre", tu "dépeins" magistralement !) remarque d'infimes détails, des nuances de vert, comme tu décris et ce laurier qui serait passé inaperçu !

Un très bel hommage aux artistes !

J'envie ces gens sur la photo : ah ! faire partie d'un tel atelier, et à Burano ou à Venise, ça doit être le pied !

pfff, c'est juste magnifique, bruyère ! chaque mot est ciselé, chaque phrase sonne juste.
c'est un régal, ton texte.
et la photo est très belle.

Avec toi, l'émotion est toujours parfaitement rendue, le mot précis . Tu toujours toujours l'angle différent, insolite, de la consigne, et tu le traites parfaitement.
Il est toujours très difficile de commenter un texte lorsqu'il nous entraine hors du temps présent.
Bruyère, tu n'as rien a apprendre sur kaléido, et tout a offrir.
Merci de nous offrir

Joli texte Bruyère.

Tes mots accompagnent parfaitement ta photo et l'on suit des yeux la façade bleue, le laurier rose, la maison verte ... bravo

L'artiste peintre traverse les apparences. J'aime les artistes qui nous apprennent à voir l'essentiel visible par la sensibilité, le coeur ... l'âme?

Bruyère sait faire regretter à ceux dont je suis ce qu'ils manquent parce qu'ils ne savent pas peindre et surtout parce qu'ils ne savent pas prendre le temps de fixer leur regard ...

waouh waouh
Bravo pour ce cours !!!

Tout simplement magnifique

Un très beau texte tout en sensibilité. Et toujours cette idée qui revient dans de nombreux autres textes de cette consigne que le peintre nous amène à voir différemment ce qui nous entoure.

Excellent ! Texte et photo, un vrai régal !

Bruyère a écrit:

je distingue enfin ce laurier rose dans l'encoignure du mur que les griffures du temps enjolivent et émeuvent. Tous ces verts qui s'offrent, s'appellent, se répondent et donnent au laurier l'écrin de son mérite

J'aime particulièrement cette phrase et la dernière, bien entendu. Une entrée en matière tout en douceur et tout à coup, le ballet des mots, une musique personnelle qui entraîne le lecteur dans un ailleur personnel aussi.