C’est une petite maisonnette, plantée dans le petit coin d’un petit quartier, au cœur d’un petit village. Au début, il n’y avait rien. La maison n’avait pas d’âme. Elle ne riait pas, elle ne pleurait pas. Elle était nue de tout souvenir, pâle et vide, jusqu’à ce qu’une petite famille vienne s’y installer, pour y déposer son empreinte.
La maison a commencé à sourire, et des mains généreuses ont travaillé la terre sur laquelle elle avait poussé. Des fleurs aux couleurs de l’arc-en-ciel, des jonquilles, des tulipes, un brin de mimosa, tant d’effluves paradisiaques ont commencé à embaumer l’air du petit village. Des enfants sont venus déposer leurs joies et leurs peines, des souvenirs qui se ramassent à la pelle, brassés par un petit vent de nostalgie. La douce chanson de leurs courses affolées venait taper contre le carreau de la cuisine, ou une mère s’appliquait à la confection de petites brioches tartinées de Nutella pour le goûter.
La maison s’est agrandie pour accueillir un autre bébé. Elle a été façonnée comme une belle poterie que l’on se plairait à polir pour prendre la forme parfaite de nos rêves désirés. Elle a été tapissée aux couleurs du monde, pour que chaque petite âme de la petite maison puisse voyager, tout en restant au cœur du petit village.
Lorsque les beaux jours arrivaient, c’étaient tout les petits enfants du petit quartier qui venaient s’amuser à la piscine. Cependant, il fallait attendre que le Tour de France prenne fin dans l’après-midi pour que la maîtresse de ces lieux vienne retirer la bâche. Attentionnée, elle ne voulait pas que la ribambelle de gosses attrape une insolation.
Lors des anniversaires, on organisait des chasses au trésor. Combien de fous rires se sont perdus entre les fougères, les arbustes et les herbes hautes du jardin ? Combien de petits pas ont foulé la terre, le cœur battant à cent à l’heure parce qu’il fallait être le plus rapide, le plus réfléchi pour gagner ! Combien de pansements ont été posés sur des jambes écorchées, trop maladroites ?
La petite maison a aussi connu des moments de peine. Arthur et Chloé, poissons rouge de naissance, n’ont pas survécu durant ces belles années. Alors, la petite maison a revêtu les couleurs du deuil, et a prêté quelques grains de sa terre pour qu’ils soient décemment enterrés.
J’en connais quelques-uns qui y ont laissé des bouts de leur peau, et gagné diverses cicatrices ! C’est ça, quand on est enfant, on se croit invincible, on est indomptable et l’on s’abandonne sans crainte à de dangereux jeux ! Mais si ce n’était pas le cas, ou serait-donc le plaisir de se faire soigner par les mains douces d’une mère ?
Les enfants ont grandi, la maison est toujours là. La petite famille s’en est allée pour bâtir d’autres maisons du bonheur, et je ne sais dire à ce jour, combien écloront. Ce dont je suis sûre, c’est que des traces indélébiles ont été déposées dans une petite maisonnette, plantée dans le petit coin d’un petit quartier, au cœur d’un petit village.