Une fois encore, je suis là à touiller dans mon café.
Toute seule…
Si seulement il était là, même caché derrière le journal,
Même sans un regard, sans dire mot…
Comme d’habitude !
Non, Monsieur le « Butler » est parti servir les gens d’en-haut,
Casser son œuf mollet ( Pour la cuisson : 2 min. et 3O sec précisément !) à Monsieur le Comte et lui résumer les nouvelles du jour.
Il y a belle lurette que Monsieur ne le lit plus lui-même. Ce qui me fait des vacances, vu qu’auparavant, je devais repasser sa foutue gazette au fer tiède !
Le Butler a le droit, lui, de monter.
Le Butler ( en français le Majordome ))s’appelle Marcel.
Mais Marcel, ça fait « peuple » alors, Madame la Comtesse l’a rebaptisé « John » Ca fait anglais et chic. Et gare à mes fesses, si je dis « Johnny » !
Moi, je ne suis que la bonne, la deuxième bonne.
J’ai uniquement accès aux étages quand les patrons sont sortis. Pour nettoyer les chambres et la salle de bain. Pas très motivant !
Moi, je m’appelle Marie, mais personne, jamais ne m’appelle par mon prénom.
Je suis « Dis, donc, TOI… », ou « Vous, là-bas,...»
Et quand Monsieur le Comte a abusé du vieil Armagnac qu’il dissimule derrière la photo de ses aïeuls « Ma petite… »
Jusqu’ici j’ai réussi à échapper à ses mains baladeuses, ( la chose est facile avec son Parkinson naissant ! )
Madame ne m’adresse la parole qu’en cas d’extrême urgence car elle a sa femme de chambre perso, une prétentieuse de première qui loge dans un cagibi à côté de sa maîtresse, pas loin du panier du chihuahua…
C’est tout dire !
Quand même, quand même, je ne demande pas la lune, juste un regard, un petit mot…
Quand Johnny est là, je me mets à espérer qu’il va le poser ce satané canard et enfin se rendre compte que j’existe…
Quand il est parti, je reste en tête à tête avec le journal.
Alors je lui parle doucement, puis plus fort, je crie, je trépigne, j’enrage !
Je gueule ma solitude et mon désespoir !
Mais le journal reste muet, ce n’est pas un journal parlé…