En sourdine, j’écoute Barbara, la grande...
Je t’écris d’une chambre désertée, sans écho. Je suis assise près de la fenêtre close où se meurt un printemps sans âme. Je t’écris d’un temps arrêté.
Les mots de Barbara ont pénétré ma rêverie et c’est à toi que je pense, toi qui m’as toujours manqué même quand tu étais présente.
Je t’ai portée en moi de longs jours. J’ai porté ta dolence, ta mélancolie, tes sautes d’humeur. J’ai porté tes rares mots de joie, tes silences, ton âpreté, tes chants barbares qui me glaçaient. Tu vivais dans un monde qui m’était étranger. Et pourtant, je t’ai portée si longtemps que je savais tout de toi.
Nous n’avons pas réussi à nous rejoindre avant ton départ. Nous avions échangé nos rôles, je t’accompagnais alors que tu aurais dû me guider. J’ai vieilli trop vite, tu n’as jamais muri.
Je t’écris parce que tu m’as dévorée. Tu as dévoré mon enfance, tu m’as bâillonnée, étranglée. Si tu revenais, peut-être aurions-nous plus que nos déserts à partager.
Je t’écris, mère, parce que je suis vivante.
Et comment rester enfant sans la présence d’un adulte qui vous définisse ?
Joyce Carol OATES