Dans un coin de la place à l’abri des regards
Deux chiens, l’un petit l’autre grand, se tiraient la bourre
Jeux de pattes, jeux de vilains
Tout cela dégénéra bien vite
- Wouaf ! Tu me chatouilles là !
- T’es bizarre toi. Pas de poil…
- Eh là ! T’es en train de me mordre
- Juste mordillé ! C’est que tu es tout dodu…
- Vire moi tout de suite ta truffe et tes crocs de là !
- C’est que j’ai faim moi. Et tu me parais bien bon. Un vrai p’tit cochonnet
- Ça va pas ! Tu vas pas me faire le coup du radeau de la Méduse
- Beurk les méduses. Mais toi, t’es si grassouillet. J’en ai la salive qui dégouline
- Oh là ! On se calme ! Arrête de me regarder comme ça. T’as jamais entendu parler de la constitution canine, des droits fondamentaux des chiens, de l’égalité des races, de la parité male, femelle…
- Un p’tit coup de dent. Juste un p’tit coup de dent s’il te plait. Juste pour te gouter.
Filounet le rouquin sachant qu’il était vain
De vouloir raisonner un ventre qui a faim
De tactique et d’approche décida de changer
Vociférations, aboiements, coups de pattes sur le museau
Jusqu’à tant que Goulu le ventre à pattes
Cessa de regarder d’un air lubrique sa panse rebondie
Pour enfin le regarder droit dans les yeux
- Ecoute-moi, Goulu. Le boucher, il laisse toujours le fenestron de son atelier ouvert
- Je saiiiiiiiiiiiis. Arghhh les effluves de viande qui en sortent ! Mais il est trop haut et trop étroit
- Tssi, tssi… Écoute un peu
Et Filounet de murmurer son plan à l’oreille de Goulu
Aussitôt dit, aussitôt fait
Les deux compères leur forfait de commettre
Un sac de jute, une corde, un harpon
C’était tout ce qu’il leur fallait
Goulu se dressa contre le mur, s’étirant au maximum
Le feneston à quelques centimètres de sa truffe
Filounet de bondir sur son dos puis sur sa tête
Et d’un coup de reins de se hisser sur la margelle du fenestron
A l’aide du harpon il entreprit de voler les morceaux de viande
Remplissant le sac posé sur la margelle
Mais charité bien ordonnée commençant par soi même
Il démarra par engloutir un morceau de filet bien juteux
Avant de jeter d’un geste princier
Un bout de bavette à un Goulu tout excité
Le sac rempli Filounet se laissa glisser à terre
Se servant du dos d’un Goulu impatient comme d’un toboggan
Un coup sec sur la corde et le sac de viande de tomber au sol
Les deux compères de le trainer et de disparaitre hors de vue
Quelque temps plus tard
Panse rebondie, yeux mi clos, nos deux loustics
Se préparèrent à une sieste bien méritée
Quand Goulu, dans un bâillement de satisfaction, interpella Filounet
- Tu sais le Dodu, j’ai appris une chose aujourd’hui
Filounet ouvrit un œil et le regarda avec un sourire en coin
Tiens donc ! Il est capable de penser le ventre à pattes !
Je suis curieux de savoir à quoi
- De notre petite virée j’en conclus qu’il faut s’entraider
Filounet referma les yeux tout en soupirant d’aise
- T’as raison Ventre à pattes et t’as plus intérêt à me prendre pour un morceau de viande