Amour quand tu nous chiens…
Ne vous laissez pas odieusement abuser
Par les images dont on vous invite à user.
La réalité peut revêtir moult différences
Et reléguer nos impressions au rang des apparences.
Or donc, Berger le bouvier de belle prestance
Et Chicote la teckel de bien moindre importance,
Avaient, en dépit de leurs dissemblances,
Entre eux quelques ressemblances…
La première et non la moindre
Etant de sentir l’ennui les étreindre,
Rivés nuit et jour à leur chaîne,
Jusqu’à leur délivrance lointaine…
Les deux maîtres, bien qu’en froid, étant voisins,
Les deux niches se clignaient de l’œil au jardin.
Chicote qui pour être au ras des liserons
Ne manquait certes pas d’aplomb,
En pinçait pour son vaste compagnon
Et ne se privait pas de lui dire mon mignon,
Il est grand temps que nous nous retrouvions
Ailleurs que dans ce clos aux mortes illusions.
La légende ne dit pas quel moyen fut employé
Par les deux tourtereaux afin de se dégager.
Mais la passion canine pas plus que celle des humains
N’est en panne de moyens pour parvenir à ses fins.
Gageons que l’intrépide sut convaincre le timide
De vivre au grand jour leur amour si candide.
Partis sur les routes de France,
Chiens fous en insouciance,
Ils ne surent jamais que leurs maîtres morfondus
Penauds et dépités de les avoir perdus,
En finirent par faire enfin la paix
Chacun disant à l’autre l’exacte vérité :
Si nos fugueurs ensemble ont trouvé le remède,
J’en conclus qu’il faut qu’on s’entraide.