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Le révérend père Gaëtan de Valerbraume, le frère aîné d'Elsa, et néanmoins jésuite, avait bien tenté de la ramener dans ce qu'il appelait le droit chemin, c'est-à-dire vers Dieu. Il priait chaque jour pour cette âme égarée sur les chemins du stupre. Jésus lui-même n'avait-il pas relevé la tête de Marie-Madeleine, cette femme de mauvaise vie, jusqu'à en faire sa compagne d'aventure. Seules les mauvaises langues avaient prétendu qu'il l'avait en plus étendue sur sa couche. Hélas, prières et sacrifices ne furent pas récompensés.
Elsa poursuivit sa vie de femme fatale jusqu'à un âge avancé. Son corps s'était quelque peu flétri, et pour compenser la dégradation de ses charmes, il lui fallut proposer à ces Messieurs des spécialités de plus en plus glauques qui la menait chaque fois plus loin dans la dégradation lente mais certaine d'elle-même. Il est vrai qu'il fallait bien survivre à tous les arnaqueurs qui l'avait dépouillée de ses biens. Disparus les diamants, disparu l'appartement du 16e qu'il avait fallu vendre pour régler ses énormes dettes de jeu au temps où, défoncée par les drogues, elle avait tout dilapidé, et avant que la mafia russe ne lui fasse la peau.
Avait-elle au moins un jour connu l'amour ? Non ! Pas un seul jour, pas une seule minute. Elle n'avait connu au mieux que ses vagues apparences dans quelques étreintes où il lui avait semblé que l'homme n'avait pas uniquement cherché à se vider les couilles de la manière la plus érotisée qui soit. Mais comment savoir au demeurant.
Elsa n'était cependant ni déçue, ni aigrie, ni amère. Elle n'accédait plus à ce genre de sentiments. Elle était devenue froide, insensible à tout, capable du pire, rarement du meilleur est d'ailleurs elle était entrée dans une sorte d'amoralité surprenante.
C'est pourquoi sans doute les jurés lui accordèrent des circonstances atténuantes lors de son procès qui défraya la chronique, parce qu'elle avait planté cette longue paire de ciseaux pointus dans le bas-ventre de cet émir d'Arabie Saoudite venu en visite officielle sur invitation du Président de la République. Puis Elsa l'avait proprement châtré, avant de lui enfoncer les ciseaux dans la poitrine.
On dit que ses voisines de cellule ne la supporte plus.
Elle hurle chaque nuit pendant de longues heures.
FIN
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