Le vent souffle sur la plaine dénudée. Un cimetière à l’abandon offre ses pierres insensibles à la rudesse du climat. Et elle est là, debout entre les tombes, pieds nus, légère et fraîche comme la rosée du matin. Dans ses mains, un bouquet de bruyères roses qu’elle laisse tomber, une à une, fleurs dansantes au son de sa voix cristalline.
Marie est assise non loin de là, sur un vieux banc défraîchi. Elle observe sa petite-fille pendant que ses pensées dévident le fil de sa vie. Il y a longtemps, elle a laissé ici un bout de son cœur, un bout d’elle-même. Ce souvenir lui revient comme si c’était hier et un léger vertige, une fois encore, la saisit. L’air vacille. Elle ferme les yeux. Le vent l’enveloppe de son haleine chaude.
Marie tressaille. Deux petites mains se sont posées sur les siennes. Sa petite-fille la regarde avec attention. « Tu penses à Papy ». « Oui mon cœur. » « Tu es triste ? » « Son souvenir parfois me rend nostalgique, mais il est bon de pouvoir me souvenir de son regard, de son sourire. » Déjà la fillette est sur les genoux de Marie. Celle-ci la berce tendrement dans ses bras.
Et dans le silence de la plaine s’élève la voix chaude de Marie. Les brumes de tristesse se dissipent, une à une. Son regard s’emplit de lumière. Seul reste sur le sol pierreux le souvenir lointain d’un amour heureux, tel une écharpe blanche, abandonnée sur le chemin.