Selon que vous serez...

Kalé'reporter

- Il n'est vraiment pas bien... On devrait foncer vers l'hôpital, il va nous claquer dans les doigts et bonjour les emm..
- Un comédien, le José. Les deux claques que je lui ai mis ne peuvent pas l'envoyer dans l'au-delà...
- Mais il y en a qui disent qu'il souffre d'insuffisance respiratoire et qu'un jour ou l'autre, ça va l'emporter.
- Ça serait pas forcément une mauvaise chose ; sans procès, le José ne pourra pas balancer sa salade.
- Tu crois vraiment que le tabellion a pu violer la petite Dolorès et l'étrangler ensuite ?
- T'es pas fou de dire des c... pareilles !!!
- Il nous entend pas le José, il est complet dans le cirage.

Ce dialogue, José l'entend. Il ne sait même plus maintenant s'il regrette d'avoir dit aux quatre flics ce qu'il avait vu le mois dernier, dans la clairière du Touron : le notaire qui rajustait son costume et la petite Dolorès immobile à ses pieds. Ce n'est pas lui qui avait donné l'alerte, mais le Gustave qui avait fait la macabre découverte en cherchant les champignons. C'était le 5 octobre 1952. Sans doute, la petite Espagnole revenait de l'école. Espagnole, comme lui, José. Les « Espingoins », on ne les a jamais vraiment acceptés dans le village. Journalier pour les travaux pénibles, ici et là, José boit une partie de ses quatre sous et rentre à sa masure d'une démarche mal assurée.

Les cognes, il ne les aime pas. Depuis Franco, il a cette engeance en horreur, alors il se tient à distance. Quand on l'a interrogé au sujet de l'affaire, il était à jeun. Il n'a rien dit : après tout, maintenant, c'était trop tard pour la petite. Et qui aurait cru un moins que rien comme lui ? Mais cette nuit...

Il était sorti de chez la Germaine avec une mule carabinée, même qu'il a failli s'étaler devant la voiture des poulets. Ils ont commencé à l'asticoter jusqu'à l'agacer prodigieusement au point qu'il leur a balancé :
« Vous feriez mieux d'aller poser des questions au notaire... »
Et quand il a raconté la scène du mois dernier, celui qui paraissait le plus gradé a dit comme ça que c'était peut-être bien lui, le José qui avait fait le coup. José n'a pas pu s'empêcher de lui voler dans les plumes. La réaction n'a pas tardé : deux torgnoles l'ont expédié au tapis. Il a eu juste le temps d'entendre l'ordre du gradé - va chercher du renfort , faut pas qu'il nous échappe -.

Maintenant, il est couché sur le plancher du fourgon, deux flics à ses côtés, deux à l'avant du véhicule. De temps à autre, il perçoit des bruits de motos et des lueurs fugaces laissent deviner que le fourgon est accompagné d'une autre bagnole. José a l'impression qu'il y a plusieurs heures qu'ils déambulent dans la campagne. Il a de plus en plus de mal à respirer ; il est incapable de prononcer la moindre parole. D'ailleurs, à quoi bon ? Les sbires qui l'accompagnent l'ont déjà condamné. Par une nuit noire, sans étoiles, sans tambour ni trompettes... et sans le glas des cloches (!), il le sait, José : il va mourir. Il n'y aura pas de scandale, les flics ont toujours raison, ils donneront leur version des faits. Il est le coupable idéal. On conclura à la mort naturelle d'un pauvre diable qui a eu le temps de libérer sa conscience...

Dans son cerveau embrumé, la morale de la fable de La Fontaine que ce brave instituteur lui avait demandé d'apprendre par cœur pour mieux maitriser cette belle langue française lui revient intégralement :
Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous feront blanc ou noir...

**Maîtrise le sujet**

Selon que vous serez puissant ou misérable, etc, etc...
Encore une fois, tu apportes la preuve éclatante que trop souvent, la justice fonctionne selon le statut social. Il n'est que de voir, pour s'en convaincre, les "affaires" touchant de hauts personnages de l'Etat promptement étouffées ou renvoyées aux calendes grecques...
Si tu remplaces les "hauts personnages de l'Etat" par l'un d'entre-nous, il est à peu près certain que l'instruction du dossier sera conduite avec célérité et que la rigueur du châtiment s'exercera.
Tu me diras, ce n'est pas nouveau, loin de là. Les paysans corréziens dans leur grande sagesse l'avaient compris il y a bien longtemps. La prière du soir dite en patois se terminait fréquemment par : Gardez-nous du mal... et de la justice...

Modératrice

Je trouve tes personnages durs, impitoyables envers l'Espagnol, l'estranger.
Même si tes sources sont fiables calimero

La chute est bien sûr prévisible "Selon que vous soyez riches ou misérables..."

Permets-moi de ne pas partager ton point de vue de manière générale. Effectivement certains "nantis" sauvent leur peau.
Mais je te signale le cas de Michelle Martin chez nous, autre dérapage judiciaire. Elle finit ses jours dans un couvent ( enfin jusqu'à ce qu'on la libère...), elle a quand même laisser mourir deux petites filles. Et elle n'est pas milliardaire, elle !
Gardons-nous de généraliser... zen

Kalé'reporter

On pourrait s'interroger pourquoi les Espagnols en ligne de mire ?
Parce qu'en ce temps-là, il existait, d'autant que je me souvienne, un certain racisme eu égard des Ibériques et des Lusitaniens.
De manière générale ? Certes non ! Pas plus qu'aujourd'hui...

Ne généralisons pas à partir de ce sujet.
Car, comme on dit chez nous, sous forme de dérision, « la misère n'est pas toute chez les riches » mais les pauvres et les démunis ne sont pas forcément des anges, j'en suis tout à fait conscient !
J'ai voulu vérifier pour le prénom José, après coup, et le Web me conforte

Citation :: il est depuis longtemps répandu en France. Son expansion est sans doute due à celle des réfugiés, engendrée par la guerre civile qui déchira l'Espagne de 1932 à 1938

Modératrice

Catsoniou, je te prie d'excuser mon erreur. J'avais bien vu la date mais je pensais qu'elle faisait allusion à un crime commis par le notaire bien avant. pale

Je me suis donc emmêlée les pinceaux dans mon comm'.
Et non, tu ne deviens pas mauvais mort de rire

Je me suis un peu énervée sur le sujet du racisme mais tu n'y es pour rien !
Si tu veux, j'enlève mon premier comm'
Désolée

Modératrice

Voilà, je n'ai pas tout enlevé, j'ai corrigé....
Es-tu satisfait ?
Je reste sur mes positions quant à l'affaire Dutroux et consorts.... zen

Modératrice

Ouf, voilà un malentendu éclairci lol!

Arrête de te faire du mal Cats, mais non, tu n'es pas devenu mauvais, ton texte est tout à ton image, engagé et réaliste.
Il ne faut pas non plus oublier que si certains ne voyaient pas les émigrants Espagnols d'un bon oeil, d'autres les appelaient de tous leurs voeux, le “miracle économique“ des années d’après-guerre, cette période de très forte expansion économique et de reconstruction des années 50 et 60, nécessitant la venue de travailleurs immigrés. flower

**Maîtrise le sujet**

J'arrive après la "bataille", mais en tous cas, du point de vue de la forme, je trouve ton texte très bien écrit. D'une manière générale, les textes que j'ai lu pour le moment sur cette consignes sont longs, développés, très agréables à lire.
Je suis admirative flower

Et puis pour les textes que j'ai lu pour le moment, vous avez tous trouvé des crimes (dont José était l'auteur ou non) différents ! cool !

Kalé'reporter

Sel écrit :

Citation :: "bataille"

Je dirais plutôt joutes oratoires. Et dans ce cadre, un p'tit peu à l'attention de Nerwen, on peut parfois jouer les offensés pour mieux rebondir. Mais ça, c'est vilain ! lol!

Sur l'odieux problème du racisme, je pense que chaque génération a eu ses boucs émissaires, mais je pense que notre génération atteint un summum vis à vis des Maghrébins. Pourquoi ? J'avoue ne pas comprendre comment il peut être distillé jusque dans nos campagnes reculées...
Le thème de la consigne de cette semaine m'a de suite orienté vers l'idée que j'ai développée dans mon sujet.

Merci de vos coms cool !

Amanda : pas l'ombre d'un nuage entre nous sifflotte

et sur l'affaire Dutroux, je suis persuadé que nous sommes sur la même longueur d'onde...

Kalé'reporter

J'aime bine la construction du texte, qui met tout de suite dans l'action, puis vient la compréhension pas les retours arrière.

Sur le fond des choses abordées... je m'abstiendrai de commenter !

Admin

Et bien, moi aussi j'arrive après la bataille et donc je ne lis ton texte et les coms que maintenant.
Cats, pour ma part: j'ai vachement aimé ce texte, et j'adhère à 100%
Et oui je pense que la justice n'est pas forcément la même pour tous.
J'aurai bien raconté une anecdote concernant cela justement, et qui m'est arrivée, mais c'est le texte de Cats, et je ne veux pas polluer le sujet, d'autant que cela n'aurait rien à voir avec la consigne.

**Maîtrise le sujet**

Ton texte me parle beaucoup, Cats, il ramène à un passé encore vivant pour de nombreuses familles.
Comme le dit si bien Admin, et je suis d'accord avec son com', les anecdotes sont là ...

bravo!

**Maîtrise le sujet**

Ce texte m'a émue... Il y a des innocents qui vivent et meurent en prison .Je pense aussi à tous ces innocents libérés après des années de carcération comment vivent-ils après ?