Je ne suis ni Dieu ni poète
Je ne suis ni Adam ni le diable
Je pose nu, sans artifice, je ne vois ni ne ressens
Je ne suis pas fait pour ça
Je ne suis fait ni de chair ni de sang mais de marbre
Je ne vois pas celle qui passe devant moi, les yeux tristes
Celle que j’aurais pu prendre dans mes bras robustes
Celle que j’aurais caressée, rassurée, aimée
Ma beauté peut émouvoir mais je n’en ai conscience
Je pensais regarder le monde mais Rodin m’a fait baisser les yeux
Et c’est le monde qui me regarde et cherche à lire à travers moi
Le message que mon maître désirait faire passer au delà de sa vie même
Je pense et pourtant je ne suis pas
Rodin qu’attendais-tu de moi?
Toi qui a su maitriser les courbes de mon corps
Jusqu’à ce qu’il ne me manque que le souffle de vie
Pourquoi me faire don de la pensée universelle
Si ma connaissance reste abstraite
Je suis la lumière-conscience emprisonnée
Je ne connais ni la peur ni le chagrin ni la jouissance
A quoi donc me sert la connaissance accumulée
Si je ne peux l’offrir en partage
Rodin, reviens, délivre-moi de ma pensée
Laisse moi aimer, caresser, espérer un monde meilleur
Je ne veux plus de cette prison
Ni de cette petite mort.