-Papa, je suis fatigué !
-Maman, j’ai faim !
-Papa, papa, regarde, viens voir !
Je ne savais plus où donner de la tête. Finalement, cette sortie au musée n’était peut-être pas une si bonne idée… Heureusement, il y avait moins de monde que ce à quoi on aurait pu s’attendre un dimanche après-midi. Toujours cela de pris !
Je me tournai vers mon aîné pour voir ce qu’il voulait me montrer. Il continuait à m’appeler.
-Papa, mais viens voir !
-Voilà, j’arrive !
-Papa, regarde le monsieur, il fait quoi ?
Il me montrait le fameux « penseur », de Rodin. Je souris, me retenant de répondre « il pense », car il me semblait que ce genre de réponse ne l’aurait pas trop avancé. Dans le souci d’instruire mon fils, toutefois, je lui répondis quand même que le créateur de la statue l’avait appelée « Le penseur », et terminai :
-Tu vois, il est assis, la tête dans ses mains. Tu en dis quoi, toi ?
-Je sais pas. On dirait qu’il regarde quelque chose.
Là, je fus un peu surpris.
-Ah bon ? Tu trouves ? Il regarde par terre, alors ?
Il me jeta un regard. Un peu comme on regarde un enfant qui met du temps à comprendre. Un peu agacé et…attendri ? Ne me dîtes pas que mon fils est attendri en me regardant ?
Il reprit pourtant :
-Mais non ! Il regarde dans sa tête ?
Ah ! Autant pour moi.
J’allais lui expliquer que justement, « regarder dans sa tête », c’était ce qu’on appelait penser, mais il continua d’une voix un peu rêveuse :
-Je me demande ce qu’il voit…
Je le laissai continuer sans l’interrompre.
-Est-ce qu’il voit ses parents ? Son école ? Ses…(un regard vers moi pour savoir quel degré de vocabulaire il pouvait employer) amis ?
Je regardai autour de moi. Ma femme semblait avoir réussi à calmer les deux plus jeunes, et les avait emmenés un peu plus loin admirer d’autres statues.
Rassuré, je me tournai de nouveau vers mon aîné et d’un ton pensif :
-Tu as raison, je crois qu’il regarde…il regarde le monde…Un monde intérieur.
Mon fils eut un petit rire et ajouta :
-Il regarde le monde, et nous, on le regarde, lui !
Je ris de bon cœur avec lui, et nous nous dirigeâmes vers le reste de la famille ; il était temps de partir.
Mais au fond de moi résonnait la phrase de mon fils « Il regarde le monde, mais c’est le monde qui le regarde ». Je sentais qu’il y avait quelque chose à en tirer… Mais quoi ?