Bertine et Bertille

- Toujours la même ! Grimperais-tu au faîte du cerisier piquer les cerises de la Philomène ?

- Ah ! Cette Philomène, qu'est-ce qu'elle a pu crier après nous ! Tu te rappelles le coup des oies ?

- Bien sûr ! Même qu'elle avait dit : vous finirez en prison , les jumelles ! De la Bertine ou de la Bertille, on ne sait pas laquelle il faudrait attraper en premier pour assommer l'autre.

- Elle nous verrait aujourd'hui, ridées comme des pommes reinette à la fin de l'hiver, la pipe à la main, parées de colifichets comme des gamines, elle serait folle !

- Et elle nous menacerait du doigt : « les Ménines,   vous finirez mal, je l'ai toujours dit ! »

Et Bertille et Bertine de rire en cascade. Age, rides, douleurs, tout est oublié quand les jumelles se retrouvent sur le vieux canapé du préau de l'ancienne école, excellent point d'observation des faits et gestes de la population locale qu'elles ne manquent pas de pimenter de commentaires croustillants. Et nul n'est à l'abri d'un tour facétieux des Ménines comme les oies de Philomène.

Qui de Bertille ou Bertine compatissait la première à la vue des oisons qui s'ennuyaient dans leur minuscule enclos ? L'une montait la garde, l'autre soutirait une bouteille de vin au tonneau du Marcellin et les oies s'abreuvèrent du délicieux nectar avant de vaciller et s' emberlificoter les pattes, saoules comme des grives devant les gamines écroulées de rire.


La première partie de la phrase de l'Académicien leur convient tout à fait. Quant au reste... Non ! Elles ne pensent pas. Bertine et Bertille ne veulent pas penser que tout à une fin.