Elle a refait le lit, tiré les draps, effacé les traces des ébats langoureux, de la fièvre qui l'a happée dans son sillage.
Elle a pris un livre, qu'elle ne lira pas. Cinq fois qu'elle relit la première ligne, rien à faire, les mots valsent devant ses yeux, elle ne voit pas, ne ressent pas la musique encrée d'une histoire dont elle se fout puisque ce n'est pas la sienne.
Elle est assise sur le lit, elle a remis sa guépière, comme pour emprisonner contre sa peau l'odeur de l'homme qui vient de partir, ainsi que le souvenir de ses mains voyageuses, de ses caresses indiscrètes.
Elle a le dos chauffé à blanc par un soleil qui écrase tout. Chambre impersonnelle, elle n'y laissera pas d'empreinte, à moins que les murs se souviennent de son plaisir murmuré au creux d'une nuque offerte.
Elle est en pause. Elle n'a envie de rien, si ce n'est se remémorer chaque seconde de ce partage inoui, de cette osmose des corps et des âmes. Elle sait déjà qu'elle viendra souvent s'abreuver à ce souvenir sensoriel.
Elle ferme les yeux, se laisse submerger par un élan de mélancolie qui soudain l'étreint. Elle n'a pas fait l'amour, elle a juste ouvert un instant les vannes de sa tristesse, et l'homme l'a bue jusqu'à la lie. Il y a loin de la coupe aux lèvres, elle le sait.
Ils ne sont pas amoureux, ne le seront jamais. Ils s'aiment d'un amour bien plus vaste, bien plus profond. Ils se sont reconnus, ils sont faits de la même espèce, ils ont un manque en eux, profondément ancré. Leurs mains ont voyagé sur bien des peaux, elles en découvriront d'autres encore... peu importe. Cet instant leur appartient. Juste un répit dans leurs solitudes respectives.
Ils se sont vus, ont existé l'un pour l'autre, ont fait le plein de tendresse, de chaleur, de douceur. Ce partage est à eux, à jamais.
Juste une tendre parenthèse inattendue...