Mon premier cri d’indignation ne date pas d’hier … C’est à l’occasion de ma première sortie, la tête la première dans l’espace air et terre, hors de ma mère qu’il explose pour la première fois. Quel choc !
Retirée hors de cette source d’eau chaude et douce dans laquelle je baigne depuis 9 mois, je grellotte et peine à trouver mon premier souffle . C’est dans un cri désespérant que je nais à ce nouveau monde.
Je comprend alors à mon corps défendant qu’il n’y a pas de retour possible vers ce premier paradis . Le cordon qui me relie à sa porte, est définitivement coupé .
Le deuxième cri d’indignation ne date pas d’hier non plus.
Dix huit mois plus tard , un cauchemar se produit avec l’arrivée d’un nourrisson présenté comme étant mon petit frère. Tout le monde est content. Pas moi.
Un, il a un zizi et pas moi et deux, il accapare goulûment les seins de ma mère que je viens à peine de quitter.
Il me bouffe le lait qui m’est du et je dois dorénavant me contenter d’un biberon rempli d’un liquide blanc qui, paraît-il, a le même goût que le maternel.
On me ment. C’est indignant de mentir ainsi aux enfants.
A mon âge, je sais quand même distinguer le faux du vrai. Je pleure donc bien longtemps et le plus fort possible devant cette bouteille à tétine en caoutchouc ( berk) : il faut que cela s’entende et se sache… pour les générations futures !
Le troisième cri d’indignation est lui aussi arrivé à son heure mais trop tard encore une fois, le mal est fait .Le petit frère a revêtu ce jour là une de mes barboteuses favorites, celle à fleurs bleues dans laquelle je me trouve si belle devant le miroir, l’année d’avant.
« Au voleur » j’ hurle en pointant du doigt le coupable …et me jetant sur lui j’exige manu militari la restitution de mon bien.
Ce qui m’a valu une tripotée dont mes fesses se souviennent encore.
Du haut de mes 3 ans je prends conscience qu’il n’y a décidemment pas de justice dans ma maison.
Et puis l’enfance se passe et je n’oublie pas…
A l’adolescence l’indignation revient au galop. Le frère peut porter des culottes courtes ou longues et grimper aux arbres : moi pas, car avec une robe ou une jupe, il y a risque de deviner …pire… de voir ma culotte.
Voir la culotte d’une fille pubère et réglée n’est pas décent et tolérable dans une famille catholique bien pensante.
Il est temps de prendre ma revanche. A mon tour de voler un habit dans l’armoire du frère. Voilà justement un jean qui me va comme un gant et fait l’affaire pour sauter tel Tarzan de branches en branches et pour monter à cheval comme un cowboy et tuer tous les méchants.
C’est une affaire de couilles entre le frère et moi .Moi je sais que j’en ai !
Non je ne suis pas une jeune fille bien posée mais plutôt un garçon manqué.
Allez à la prochaine , pour la suite de ma liste de mes indignations … de mes frustrations féminines bien légitimes !
Vive 68 et sa révolution…