Kaléïdoplumes 2 : 2010 / 2013
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 Le cabas

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Amanda
kz
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MessageSujet: Le cabas   Le cabas I_icon_minitimeMer 10 Avr 2013 - 19:46

L’homme avait la soixantaine élégante. Les cheveux presque uniformément blancs n’avaient pas réellement besoin d’adoucir un visage ovale équilibré marqué d’une délicate et fine moustache poivre et sel. Il était sorti lestement du taxi qui venait de le déposer au bord de la passerelle du Queen Mary 2.

Coiffé d’un feutre strict, d’un manteau couvrant un costume irréprochable, Raoul de Villetaneuse inspirait le respect.

Raoul avait rapidement escaladé d’un pas souple et enlevé l’appontement d’accès à bord.

Accoudé au bastingage, il regardait, sans s’attarder, les visages de ceux qui, petit à petit allaient constituer la communauté éphémère de ce voyage. Son regard fut attiré par une femme distinguée, de quelques années sa cadette, qu’il reconnut immédiatement à sa silhouette : Diane de Vivaret d’Enfroye. Il se rapprocha pour l’accueillir à bord et lui proposer de prendre ensemble le dîner de cette croisière inaugurale dont il se faisait une fête.

Raoul de Villetaneuse avait rejoint la salle à manger des premières suffisamment à l’avance pour pouvoir choisir leur place. La grande salle, somptueusement décorée, faisait plaisir à voir. Raoul avait choisi une table à deux, presque dans l’axe de l’entrée principale pour que son amie puisse profiter des entrées de toutes les personnalités présentes, sans pour autant devoir céder à des salutations prématurées.
Celle-ci se présenta à l’entrée de la salle quelques minutes après lui, marqua un temps d’arrêt en parcourant le restaurant d’un regard circulaire et accrocha le regard de Raoul. Celui-ci se leva et marchant à sa rencontre lui baisa la main en s'inclinant.

Le maître d’hôtel leur présenta la carte et avant même qu’il ne se soit effacé, Raoul passa commande du menu du jour. Le rouleau de Saumon et de Barbue marinés sur leur lit de cresson, le chausson aux queues d’écrevisse et le suprême de pintade farci au fenouil lui convenaient parfaitement. Elle fit de même.

Ils se regardèrent longuement sans rien dire, tout en souriant. Chacun en lui-même revivait les moments inoubliables qu’ils avaient partagés ensemble quelques vingt ans auparavant.

- « Merci de m’avoir quitté, ma chère Diane ! Si vous ne l’aviez pas fait, c’eut été à moi de le faire ! » s’exclama Raoul en souriant ironiquement ;
- « Espèce de goujat ! » répondit la marquise en riant.
- « Vous saviez pertinemment que le marquis avait des soupçons et que notre aventure devait prendre fin sauf à envisager deux divorces auxquels aucun de nous deux n’était prêt. »
- « Je m’en souviens, je m’en souviens ! » répliqua Raoul avec une pointe de nostalgie.
- « L’air est parfois si doux qu’on ferme les paupières… » dit-elle, et lui d’ajouter :
- « Vous entrez aux cafés éclatants, Vous demandez des bocks ou de la limonade ...
On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans. »
- « Ces vers de Rilke nous ramènent bien loin en arrière, mon ami ! »
- « Oui, et ces paupières fermées, me rappellent bien des souvenirs ! Je vous revoie dans les jardins du Luxembourg, allongée sur le banc en train de poser devant cette femme qui faisait votre portrait. Je vous lisais alors, assis sur une chaise, cette lettre de Rilke.
- « Vous ne savez pas tout, mon cher Raoul ! Laissez-moi vous dire la suite. Mon mari tenait absolument à une tradition familiale compréhensible à l’époque où la photographie n’existait pas. Il s’était mis dans la tête de me faire peindre en pied et d’accrocher ce tableau dans la grande galerie du château de Beauchesne dans laquelle se trouve les portraits de tous les Vivaret d’Enfroye depuis 1370.
- « Non ! »
- « Si, si, tout à fait ! »
- « J’ai toujours refusé ce que je considérais comme une marotte hors d’âge. » continua-t-elle.
- « Cela ne le décourageait pas et il revenait régulièrement sur le sujet, d’abord avec douceur, puis avec force, parfois sous la menace. J’ai senti qu’il avait des soupçons à notre égard et, un soir où il était particulièrement harcelant à notre propos, je lui proposai un marché : qu’il cesse de me parler de ses soupçons stupides – ou prétendus tels – moyennant quoi, j’accepterai de lui donner un tableau de moi qu’il puisse mettre dans sa galerie, à la condition expresse qu’il n’ait aucun droit sur l’œuvre aussi longtemps que celle-ci me représenterait de façon réaliste. »
- « Et il a accepté ? »
- « Oui, tout à fait, je lui ai donc donné ce « Cabas »,- c’est le nom de l’œuvre - et il l’a accroché dans la galerie sans qu’il en soit de nouveau question entre nous. Et voilà pourquoi, mon ami, j’ai gardé de notre histoire un souvenir délicieux que je me remémore à chaque fois que je passe devant cette toile. »
- « Ce qui me réjouis le plus en dehors du souvenir de notre charmante aventure, ce sont les réflexions de nos petits-enfants : « Waouh, vous étiez drôlement bath, mamie ! » ou encore le dernier, outré, à son grand-père : « Vous êtes gonflé grand-papa d’avoir fait faire ce portrait de mamie comme çà ! Elle a l’air de quoi par rapport aux autres ! »
- « Et lui de répondre, tu vois, ce qui m’a plu dans ce tableau, ce sont les deux pommes, là, dans le panier. Et tu connais l’histoire, quand il y a une femme et une pomme, il y a toujours un homme qui succombe ! »
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Amanda
Modératrice
Amanda



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MessageSujet: Re: Le cabas   Le cabas I_icon_minitimeMer 10 Avr 2013 - 20:24

C'est absolument parfait...
Je suis tellement sous le charme que je n'ai pas vérifié si la phrase de la consigne s'y trouve lol!
Mais je vais relire, avec délectation, comme on savoure le suprême de pintade et les poissons qui la précède !
quel talent !
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ESCANDELIA
Kalé'reporter
ESCANDELIA



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MessageSujet: Re: Le cabas   Le cabas I_icon_minitimeMer 10 Avr 2013 - 21:03

oui, oui, A manda, la phrase de la consigne s'y trouve bien!
Quelle galerie d'art ce texte ! wahou !
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Admin
Admin
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MessageSujet: Re: Le cabas   Le cabas I_icon_minitimeJeu 11 Avr 2013 - 9:25

C'est magnifique et j'ai adoré les références à Rilke.
Tu n'écris pas ce texte, tu le dessines, tout comme le tableau et c'est un plaisir de te lire.
salut bas
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catsoniou
Kalé'reporter
catsoniou



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MessageSujet: Re: Le cabas   Le cabas I_icon_minitimeJeu 11 Avr 2013 - 13:46

Délicieuses retrouvailles entre personnages à l'éducation raffinée et j'adore la dernière phrase où pomme et femme sont associées pour la damnation d'un homme quel talent !
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Charlotte
Maîtrise le sujet
Charlotte



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MessageSujet: Re: Le cabas   Le cabas I_icon_minitimeVen 12 Avr 2013 - 15:57

J'adore ce texte et cette histoire. Les hommes qui succombent à leur tentation , faut leur pardonner: nous sommes si belles nous les femmes!!!
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MessageSujet: Re: Le cabas   Le cabas I_icon_minitime

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