Promesse tenue

Gamins, ils se l’étaient promis, la tête bien droite et les yeux brillants.
Le premier jour des vacances d’été de leurs 10 ans avait été témoin d’un serment : être heureux.
A cet âge là, le bonheur semble se résumer à de simples satisfactions de gosse et le malheur à un mot abstrait désignant des évènements obscurs, qui n’arrivent qu’aux grands.
Mais Lilian et Gwenaël, sérieux, et très conscients de la force de leur souhait, en avaient ressenti toute la profondeur.

Le temps a passé, leur amitié n’a jamais faibli.
Les années d’enfance ont laissé la place à l’adolescence, étouffante et parfois oppressante, comme souvent pour les jeunes de cet âge, puis à l’âge adulte, attendu par tous les deux avec impatience.

A aucun moment ils n’ont oublié leur promesse, à aucun moment ils ne l’ont reniée ou ridiculisée. Ils ont simplement et patiemment attendu leur heure.

Et voilà que le moment est enfin arrivé.
A vingt-cinq ans, après une entrée dans la vie « responsable » assez terne et sans grand intérêt, entre petits boulots et courtes histoires d’amour, ils ont décidé de mener à bien leur projet d’enfance.

Pour se donner du courage, ou alors inciter d’autres personnes à la même action, ils ont tagué leur devise sur le vieux mur croulant qui borde la voie ferrée, et qui a été le témoin de tant de leurs confidences. Il sera aussi le point de départ de leur nouvelle existence.

Un vieux solex traine là, sans aucun doute celui du vieux Gabin.
L’homme a passé toute sa vie à regarder partir les trains, en brûlant d’envie, mais sans jamais oser le faire, de monter dans l’un d’entre eux.
Il en est devenu amer et sauvage, plus personne ne le fréquente guère.
Les deux amis avaient un jour parlé de lui tristement en évoquant la rouille qui grignote les âmes de ceux qui ne réalisent pas leurs rêves.

Aucun risque qu’une telle mésaventure ne leur arrive.
Leur voiture est prête, les quelques bagages chargés, la famille tendrement embrassée.

Il ne reste plus qu’à partir, à la rencontre de l’imprévu, des découvertes, et peut-être, au bout du chemin, du bonheur...

Texte sympa qui coule tout naturellement. Je me suis laissé conduire et n'ai pas lâché pour savoir la fin ; tenu en haleine donc. J'ai bien aimé la façon de "placer" la phrase en utilisant un "Sabin" plus vrai que nature.
Le texte aurait gagné en force si les deux enfants avaient pu verbaliser leur rêve du genre traverser l'europe du nord au sud et que leur départ en voiture concrétise ce rêve. Je dis çà, c'est pour causer

C'est un texte très idéaliste, Silhène, une histoire à laquelle tout le monde aimerait croire, une fin dont chacun d'entre nous a rêvé.
C'est " Plus belle la vie", en plus profond, en plus ancré.
J'aurais été tentée de dire que c'est presque trop beau et deux choses m'arrêtent, car là, enfin, on touche à la vraie vie.
L'histoire du vieux qui rêvait de monter dans le train ET
La phrase finale, qui se termine par " et peut-être au bout du chemin, le bonheur"

Ce qui laisse entendre que tu sais très bien que ce n'est pas si simple, ce n'est pas la vie rêvée qui compte mais , comme tu le dis si bien, les découvertes à faire et surtout, surtout l'imprévu pour ces deux personnages qui ont si bien " planifiés" leur vie.

En cela, ton texte est fort, parce qu'il nous mène un peu " en bateau" et que tu dis, en fait, juste le contraire !
Me trompe-je ?

Merci pour votre lecture

En fait, Amanda, je n'ai pas réfléchi à la signification de mon texte en l'écrivant. Il est arrivé un peu par bribes, car je trouvais difficile de m'inspirer de cette image.
Pourquoi, comment, ces deux gamins et leur vie rêvée, je ne sais plus trop quel a été le point de départ.
Sans doute que leur récit réflète mon état d'esprit du moment...

J'aime , que dis-je ? J'adore ce récit parce que j'aime les histoires qui finissent bien ou laissent supposer qu'on est sur la bonne route ...

Dans le pessimisme ambiant des mauvaises nouvelles serinées ( assénées !) à longueur de journée par télé et radio, Silhène nous invite au rêve tout simple de Lilian et Gaël.

Merci pour cette lecture plaisante

j'aime particulièrement ces 2 passages :

Citation :

Les années d’enfance ont laissé la place à l’adolescence, étouffante et parfois oppressante, comme souvent pour les jeunes de cet âge, puis à l’âge adulte, attendu par tous les deux avec impatience. ....

.... A vingt-cinq ans, après une entrée dans la vie « responsable » assez terne et sans grand intérêt, entre petits boulots et courtes histoires d’amour, ils ont décidé de mener à bien leur projet d’enfance.

Tu mets le doigt où ça fait très mal : il est encore plus difficile d'accomplir ses rêves aujourd'hui. Mais tes 2 jeunes nous redonnent confiance. L'espoir nous vient toujours de la jeunesse. Une pensée triste pour leur maman qui va devoir s'inquéter et les regarder partir. J'aime beaucoup, moi aussi le message qui se dégage de ton texte, et j'adore l'émotion qu'il suscite.

Très joli texte, agréable à lire. Tu nous conduits de main de maître jusqu'à cette fin ouverte que j'aime particulièrement. N'est-ce pas le propre des rêves d'ouvrir toutes les possibilités ?

Tes deux héros sont liés par une amitié indéfectible qui, à partir de l'enfance a su leur faire traverser ensemble l'adolescence puis les débuts de leurs vies d'adultes. Et les conduire encore ensemble vers l'aventure. Beau cheminement que tu as parfaitement décrit !

Je trouve très beau que les deux héros de cette histoire soient restés fidèles à leur promesse d’enfance et à leur recherche du bonheur. On ne saura pas quelle est leur destination, mais peut-être partent-ils au hasard des routes puisque leur quête est celle de « l’imprévu ».
Une belle façon de « changer la vie », une histoire racontée avec des mots simples, ce qui la rend d'autant plus forte.

Magnifique texte.
Le fait de ne pas oublier ses rêves d'enfants est déjà incroyable, le fait de les réaliser est magnifique.
Merci pour cette bouffée d'air frais, bonne chance à eux deux.

J'aime ta sensibilité Silhène, je la ressens tout au long de ton texte.
j'aime ta progression sur Kaléïdoplumes. J'ai l'impression que tu te dévoiles petit bout par petit bout, tout en pudeur et au fil de tes textes.
C'est pourquoi j'aime ton texte