Je déteste écrire des phrases très longues, ou plutôt, soyons nettement plus précise, je préfère utiliser des phrases les plus courtes possible, personnellement, c’est une question confort de lecture : j’ai beaucoup de mal à lire un texte où les phrases s’étalent sur plus de cinq lignes et bien souvent, réticente face à ces textes qui ressemblent à un bloc où l’œil n’a aucun moyen de se poser, véritable pavé sans aération, dans ce cas-là, j’abandonne, n’ayant que peu de plaisir à poursuivre une lecture de cette sorte, et laisse donc tomber le texte qui, au demeurant, pourrait se révéler fort intéressant si l’auteur avait pris la peine de s’inquiéter de la manière dont le lecteur perçoit son texte ; alors, pour cette consigne où il va falloir écrire une phrase la plus longue possible, ça va être coton et même, ça ne va pas être de la tarte du tout - aux fraises, la tarte, si le cœur vous en dit, aux pommes pour être plus en phase avec la saison hivernale, ou à tout ce que vous voulez, après tout qu’importe la tarte puisque, de toutes façons, ça n’en sera pas une (de tarte évidemment, suivez un peu voyons) ; et cette consigne de la phrase la plus longue possible, me déroute un peu de la même manière qu’à l’école primaire me laissaient perplexe certains sujets de rédactions que l’institutrice nous donnait régulièrement, pour la rentrée scolaire tels le fameux « racontez une de vos journées de vos vacances » qui revenait dans chaque classe à chaque rentrée ; pourtant là il ne s’agit nullement d’un sujet imposé, on a toute liberté pour choisir un sujet qui nous intéresse vraiment et ce n’est pas ce qui me pose problème, des sujets en me creusant un peu la cervelle (oui, j’en ai une qui fonctionne bien, merci) je n’aurai pas grande difficulté à en trouver un bon, c'est-à-dire un qui me plaise réellement et sur lequel je peux écrire des lignes et des lignes en tapant sur le clavier, sans épuiser totalement le sujet ; non le problème viendra plutôt après, une fois le sujet définitivement choisi et les idées plein la tête, à peu près ordonnées, quand il faudra pour discourir sur le fameux sujet, commencer à écrire ; au début de l’écriture, tout ira bien, les mots s’enchaineront les uns derrière les autres en une file ininterrompue sur la page blanche de l’écran du laptop, page qui commencera tout doucement à se noircir au fur et à mesure que mes doigts taperont sur le clavier au rythme des idées qui se bousculent dans ma tête - quelquefois d’ailleurs les doigts voudront aller plus vite « que la musique » et taperont un peu n’importe quoi, la fin avant le début du mot, par exemple ou bien avaleront une partie du mot qui se trouvera amputé et n’aura plu guère de sens - seulement au bout de quelques instants, les lignes vont s’ajouter aux lignes, la page va progressivement devenir presque entièrement noire et c’est là que les choses vont devenir de plus en plus compliquées : il va me falloir à ce moment-là, être sur le qui-vive et pareille au chasseur qui parcourt la forêt attentif au moindre signe pour débusquer le gibier, il me faudra être attentive et traquer, sans le moindre répit, le plus infime petit point - et chacun sait qu’un point peut-être petit, infiniment petit même, puisque selon Euclide, le point est ce qui n'a aucune partie, il n'a donc aucune dimension, ni longueur, ni largeur, ni épaisseur, encore moins de surface ou de volume – point qui, insidieusement, les automatismes ne se perdent jamais facilement, aurait pu se glisser, juste derrière une lettre et terminer ainsi la phrase très rapidement, qui ne serait alors plus du tout une très longue phrase, mais une phrase à peine plus longue que d’ordinaire de quelques dizaines de mots ; alors non, tout bien réfléchi, je ne me vois pas du tout, mais alors pas du tout, du tout, écrire cette fameuse phrase la plus longue possible, quel qu’en soit le sujet que je pourrai avoir choisi, c’est la raison pour laquelle je pense qu’il est bien plus simple que je m’abstienne de faire cette consigne.