Cuir et colle

Ma boutique est située dans la ruelle qui mène à l’école.
Un petit local de rien du tout, qui voit défiler pourtant tout le village et les habitants des autres villages de la vallée.

Seul cordonnier à des kilomètres à la ronde, je suis le dernier rempart avant la mise au rebus, l’abandon définitif de la paire de souliers tant aimés et si souvent portés.

On me surnomme « le petit cordonnier », à cause de mon apparence voûtée par de trop longues heures passées sur l’établi, et de mon caractère, solitaire et timide, peu enclin aux conversations.

Une unique fenêtre donnant sur la rue, une lumière chiche malgré l’ampoule qui pend au plafond, et l’odeur entêtante du cuir et de la colle, qui imprègne chaque pore de ma peau et se pose sur moi comme une cape invisible.

Dans mon atelier minuscule, je répare, je restaure ; le talon arraché, la semelle trouée, sont mon quotidien.

Les clients poussent parfois ma porte en craignant que je ne puisse rien faire, que je sois obligé de renoncer. Mais je leur demande alors de revenir trois jours plus tard, sans rien promettre, sans faire aucun commentaire.

J’aime mon métier, j'aime offir une seconde chance à de vieux godillots. Voir l’air ébahi de leur propriétaire devant le travail accompli, me remplit de joie et de fierté.

C’est ma vie, ma passion, la chaussure à mon pied …

j'aime beaucoup comme tu nous entraines à la découverte de ce beau métier, silhène.

j'ai notamment relevé cette phrase :

Citation :

et l’odeur entêtante du cuir et de la colle, qui imprègne chaque pore de ma peau et se pose sur moi comme une cape invisible.

que je trouve très musicale, et très suggestive.

On a tous quelque part le souvenir du petit cordonnier de quartier qui exerçait un si beau métier...
Quand j'étais gosse, notre cordonnier était caractérisé par sa jambe de bois . Plus tard, en Haut-Limousin, on l'appelait le "bouif"... Dans les deux cas, c'était bien l'atelier minuscule que tu décris si bien.

C'est vrai que ces petites boutiques de coordonnier ont disparu. J'aimais bien l'atmosphère particulière de ces dernières.

Maintenant on ne donne plus nos chaussures à ressemeler, on les jette

J'ai passé de nombreuses heures dans l'échoppe de cordonnier d'un grand oncle et j'y ai des souvenirs précieux . L'odeur de cuir et de colle dont tu parles est à jamais en moi.
Merci de cette évocation.
(Comme je pensais faire mon texte sur les cordonniers il a fallu que je trouve autre chose!!!!)

Joli texte, bravo !

(et, au contraire du dicton, je parie que les enfants en a des belles aussi)

Merci pour ce "petit cordonnier" qui est resté dans la mémoire de beaucoup de personnes.
J'étais gamine, mais je me souviens de lui comme d'un homme qui semblait vivre en permanence dans son atelier, et toujours seul au milieu d'un monceau de vieilles chaussures.
Je suis contente de l'avoir retrouvé le temps de quelques phrases

Je trouve que les boutiques de cordonniers que l'on peut encore trouver (bien que rares) sont empreintes d'une grande nostalgie.
Ton texte reveille plein d'agréables souvenirs Silhène !

Puis-je amené ce soulier défectueux du dimanche à ton atelier?

Un texte très beau, bravo Silhène

Tu fais appel à tous nos sens : la description du lieu, l'odeur du cuir et de la colle, le toucher des vieux godillots...
Et même l'élément temps : le délai...
Presque un texte " classique" mais néanmoins hors du commun !

Le temps d'une lecture je suis retournée dans un atelier de cordonnier que j'ai bien connu.

Rooh, trainmusical !
Pour le soulier je crois qu'il n'y a plus rien à faire , mais ne perdons pas espoir : les orteils ont encore une chance d'être sauvés !

Merci Amanda, pour ton commentaire, qui me montre le texte sous un nouvel angle

Tu as réveillé de vieux souvenirs.
C'est drôle ce sont ceux de deux cordonniers dans deux villes différentes et pourtant qui se ressemblent tant.
Plus que l'odeur, c'est le souvenir d'eux penchés sur la fameuse enclume en train de clouer qui me revient.
Sans doute parce qu'on passait tous les jours devant la boutique et que l'on s'arrêtait toujours pour discuter mais sans rentrer, la porte était toujours ouverte.
Merci de cette évocation.