Derniers soins

L’homme mets sa blouse bleue et ses gants en latex. La journée commence avec le n° 7, armoire D. Il s’agit d’un homme, âgé de peut-être soixante dix ans. Le visage est maigre. Il porte une barbe de quelques jours. A l’aide de l’élévateur, le corps est monté à hauteur de travail. L’homme vérifie l’identité du de cujus sur l’étiquette qu’il porte à son poignet.
A ses côtés, sur une table roulante, une trousse contenant des ciseaux, scalpels et deux bidons d’environ trois litres plus quelques tuyaux et une pompe. Que va-t-il faire ? Le soin conservateur d’un mort pour présenter celui-ci à la famille.
La toilette du mort a été faite dans le service de l’hôpital où le malade est décédé. La toilette, c’est le dernier des contacts physique avec le mort que les soignants ont connu. Le mort est décédé depuis deux ou trois heures, on lui enlève les sondes, les perfusions, bref, le matériel invasif et les appareillages. Le corps est déshabillé et lavé soigneusement. Les orifices naturels sont obturés, les pansements refaits. On maintient la mâchoire inférieure en bonne position, les cheveux sont coiffés. On positionne ses bras avant de poser un bracelet d’identification. Le corps est ensuite recouvert.
On range la chambre et on fait l’inventaire des objets appartenant au défunt, puis le corps est descendu à la morgue.
Le thanatopracteur pratique d’un geste sûr une incision dans le cou du défunt pour trouver la carotide dans laquelle il va injecter une solution conservatrice à base de formol. Une deuxième incision au niveau de l’artère fémorale permettra de pousser le sang vers la cavité droite du cœur, il sera par la suite drainé à l’aide d’une pompe aspirante au niveau veineux.

Une fois les soins conservateurs achevés, le corps du défunt est habillé, son visage est rasé – non pas que la barbe ait continué de pousser, mais le visage, s’étant creusé, celle-ci donne le sentiment de s’être développée – puis légèrement maquillé. Les mains sont positionnés.

Pour quelques jours, le corps est conservé, les traits apparaissent reposés et le défunt présentable à la famille, ce qui permettra à ceux qui le souhaitent de commencer un deuil sans être choqués par les premières atteintes des disgrâces de la mort.

Cheveux, ongles et barbe continuent bien de pousser 'post-mortem'. Ton texte est tres .... clinique?

Tu nous as habitue a plus de poesie.
Je me pose la question: cet homme aime-t-il son metier?

Ton texte me rappelle une oeuvre que j'ai lue en anglais où un médecin doit préparer le cadavre d'un ami, et lors de la préparation, le médecin grond le mort car il ne s'était pas lavé les pieds...malheureusement, je ne me rappelle plus du titre, mais ce détail reste avec moi.

J'ai lu aussi une fois un résumé détaillé de ce que font les thanotopracteurs (merci pour le mot). C'est très intéressant si on l'on peut surmonter sa peur (ou autre émotion) de savoir.

Bravo pour le tien récit, kz ! Ce n'est pas du tout facile de traiter des sujets difficiles, et j'admire ton courage face à un tel sujet.

J'ai eu beaucoup, beaucoup de mal à lire ton texte KZ.
Pas parce qu'il est mal écrit, bien au contraire. Tu décris en restant à bonne distance, comme pour analyser le tableau, sans t'impliquer dedans, comme le fait cet homme, tu nous délivres un texte chirurgical.
Ce n'est donc pas cela qui me fait dire que j'ai eu du mal à lire.

C'est parce que dans ce que tu dis, le lecteur voit apparaître devant lui l'image d'un proche auquel il n'a pas pensé de cette façon.

Alors en lisant ton texte, j'ai le souvenir de ma mère, étendue devant moi, avec son visage de cire (c'est le dernier mort que j'ai vu) et je me souviens avoir pensé: qu'est-ce qu'ils ont fait d'elle ? Ce n'est pas elle, cela ne l'a jamais été!

Voilà en quoi ton texte est fort KZ.
Et finalement, contrairement à Sprite, je n'ai pas envie de savoir si il aime son métier.

Tu sembles bien connaitre ce métier kz.

J'imagine que ce travail se fait sans état d'âme sinon ça doit être dur

Je ne pense pas qu'il se fasse sans etats d'ames pour la plupart, mais c'est tres different de s'occuper du corps sans vie de quelqu'un que l'on a pas connu donc auquel on a pas ete attache.

Bien que non soignante, je travaille dans le monde hospitalier et je pense bien souvent à ces personnes qui nous quittent alors que nous sommes là à travailler sans penser à eux ...

L'approche est effectivement très différente quand il s'agit d'un proche...

Ce métier est peu médiatisé mais d'un autre côté a-t-on vraiment envie de savoir ?
En tout cas grace à ton texte KZ, j'ai appris des détails auxquels je n'avais pas réfléchi.

un tout bon texte, kz. qui décrit bien les choses.

ça m'a remis en mémoire un stage que j'ai fait chez les pompes funebres. j'étais au chômage, à l'époque, et prenais à peu près n'importe quoi, comme taf, plutôt que ne rien faire.

je n'ai évidemment pas touché aux corps, mais je me souviens de la grande tendresse qui perlait dans la voix du thanatopracteur, quand il parlait de ce qu'il appelait ses protégés.
il m'avait tellement marqué, cet homme, il avait tellement de douceur dans ses gestes qu'à la mort de ma mère, je lui ai demandé s'il acceptait de s'occuper d'elle, amlgré qu'il ne soit pas de notre commune. il a accepté avec beaucoup d'humanité, et je lui serai longtemps reconnaissante d'avoir su donner à ma mère l'aspect qui était le sien, et non celui d'un masque de cire...

merci de m'avoir remis ça en mémoire, kz... merci beaucoup

Un texte bien écrit qui m'a remis en mémoire un article du Professeur Claude Hamonet
sur la mort à l"hôpital:
http://claude.hamonet.free.fr/fr/art_rites.htm

Métier difficile mais pourtant, ô combien indispensable. Je pense qu'il n'est pas choisi, mais pati dit comment on peut être amené à travailler dans ce secteur d'activité.
A la campagne, il y a une quarantaine d'années, le menuisier qui avait fait le cercueil , effectuait la mise en bière. Pour mon père, il a fallu qu'un de mes frères aide dans cette tâche. Aujourd'hui, ce métier s'est professionnalisé et c'est mieux ainsi. Toutefois, toujours dans ma région, les voisins, voire des membres de la famille sont "porteurs" au cours de la cérémonie des obsèques .

C'est vrai Catsoniou. Dans les campagnes, ce sont souvent les gens du village, voisins, amis , qui portent le cerceuil.
La veillée se fait encore dans les campagnes, bien qu'on le voit de moins en moins.C'était l'occasion de se retrouner en famille, de partager des moments difficiles et souvent, après l'enterrement, des moments de retrouvailles, avec des mémoires défaillantes qui reprenaient vie.
Tiens! Ce serait intéressant de faire un article, ou plusieurs, sur le blog!

Je suis ton conseil, Tornade, et je reposte un message.
En fait mon message d'origine se rapprochait beaucoup de celui de Pati, et je crois que les thanatopracteurs doivent faire preuve d'humanité et d'empathie pour pouvoir exercer correctement ce métier particulier.

Admin, deja avant ce texte de KZ, j'avais en tete un article pour le blog, pas seulement sur les thanotopracteurs, mais les differentes sortes de funerailles selon les cultures. La semaine ou j'en ai eu trois en 6 jours, elles etaient tres differentes (antillaise, sud-africaine, sikh).

En reponse a Silhene, c'est comme pour tous les metiers du monde, y'en a de bons et d'autres mauvais, la plupart respectueux, et d'autres ou je prefererais ne pas confier un de mes proches.

Catsoniou, je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout sure, que ce soit une bonne chose que ca se soit professionnalise et commercialise a ce point. Il y a maintenant un 'commerce de la mort' que beaucoup d'entre-nous soignants trouvons un peu repugnant parfois: un moment ou les familles vulnerables peuvent etre la proix de profiteurs!

Sprite, je partage ton point de vue sur la "professionnalisation", cela est sans doute dû au fait que dans notre société, la mort est quelque chose de tabou, dont on évite de parler.
Autrefois, la mort faisait partie de la vie quotidienne.

Par mon métier, je croyais connaitre le travail de thanatopracteur. Et bien, non et grâce à ce texte j'en ai beaucoup appris, aussi par les commentaires qui suivent.

Je voudrais tellement en dire, je vais essayer d'être le plus succinct possible.

BRIGOU a écrit:

J'imagine que ce travail se fait sans état d'âme sinon ça doit être dur

Les ayant vu travailler sur des lieux d'accidents, je n'ai pas souvenir d'en avoir vu un sans état d'âme. Oui c'est dur en effet. Mais je n'ai jamais collaboré avec ceux de grandes "Entreprises".

pati a écrit:

...je lui serai longtemps reconnaissante d'avoir su donner à ma mère l'aspect qui était le sien, et non celui d'un masque de cire...

Merci, je déteste ce mot masque de cire, et c'est la compétence du thanatopracteur qui arrive justement à rendre cet aspect si important de la personne décédée.

Merci pour le lien Flamm Du

catsoniou a écrit:

Toutefois, toujours dans ma région, les voisins, voire des membres de la famille sont "porteurs" au cours de la cérémonie des obsèques .

Je l'ai déjà fait, ce fut un excellent moyen de faire le travail de deuil, car j'avais vraiment pu dire adieu.

sprite a écrit:

...Il y a maintenant un 'commerce de la mort' que beaucoup d'entre-nous soignants trouvons un peu répugnant parfois: un moment ou les familles vulnérables peuvent être la proie de profiteurs!

Sans généralisé, je confirme les dires de sprite, car c'est idem en Suisse. Oui vraiment répugnant !

Flamm Du a écrit:

...Autrefois, la mort faisait partie de la vie quotidienne.

La grand-mère, la grand-mère s'éteignaient gentiment à la maison entouré des siens, enfants y compris. Heureusement, qu'on y revient et le travail des soignants est justement d'abattre ce tabou de la mort pour l'accompagner dans la sérénité et laisser la place à la famille. J'avais justement écrit sur le marathon un texte à ce sujet http://kaleidoplumes.forumpro.fr/consigne-99-f159/il-va-mourir-t4260.htm

Pour revenir sur le métier de thanatopracteurs

pati a écrit:

ça m'a remis en mémoire un stage que j'ai fait chez les pompes funebres. j'étais au chômage, à l'époque, et prenais à peu près n'importe quoi, comme taf, plutôt que ne rien faire.

Il y a en Suisse une école d'infirmières qui offre cette possibilité de stage. Je connais un infirmier l'ayant fait, il m'a dit la richesse que c'est de connaitre ce qui vient après notre mission de soignant et m'a expliqué le temps mis pour le côté relationnel d'accompagnement des proches. Rien qu'à cause de ça, c'est un stage qui m'aurait beaucoup intéressé.

Merci Kz pour ce texte.

wow quel texte !
J'arrive un peu tard pour commenter... la plupart de ce que j'avais envie de dire a déjà été dit... Oui on voit en lisant ce auquel on a évité de penser au décès d'un des nôtres.
La mort est de nos jours cachée... les plus jeunes ne doivent pas y être confrontés... pour certains on leur cache même la mort de leur poisson rouge ou on la déguise... ce qui ne les arme pas ensuite pour leur vie d'adulte.
Je crois aussi que petit à petit les mentalités changent et que la société va trouver une autre forme de rituel que celui qui passait presque toujours par l'église... Parce que je crois que c'est ce qui manque aujourd'hui et qu'un rituel est important pour entamer le travail de deuil.
J'ai organisé un jour une cérémonie laïque d'Adieu et j'ai même pensé à en faire mon métier (!!!) parce que j'ai senti à quel point (même sans cimetière et cercueil c'était le cas) la famille, les amis et tous les gens réunis avaient besoin de se poser pour un dernier Adieu autour de textes, chants, musiques, de condoléances même si c'était dur.
Une fin pour un nouveau départ de ceux qui restent sans l'être cher.

Ah! Je l'ai lu... C'est 'fort' comme texte...