sprite Kalé'reporter
| Sujet: ... ce que j'en dis... Dim 9 Mai 2010 - 21:30 | |
| Trois questions demandant trois réponses, ou trois questions suscitant une myriade de questions?
Voilà déjà qu'un seul mot, myriade, suggère une différence entre la langue littéraire, écrite et la langue parlée, orale. Seuls certains érudits se permettent d'utiliser des mots de cette sorte pour dire tout simplement beaucoup. Peut-il donc y avoir une littérature écrite et une littérature orale? Ou la littérature ne concerne-t-elle que l'écrit?
Tes grands mots, comme disait ma mère, qui assomment tout le monde. Toi, la littéraire, m'a-t-on souvent dit, avec un mélange de mépris et d'incompréhension. Alitée et rature, m'aurait mieux convenu et moins dérangé certains. Je devais me cacher pour lire sauf les romans à l'eau de rose que ma mère m'achetait parfois lors des jours de marché. S'il y avait une grande littérature elle ne transperçait pas trop à travers la Veillée des Chaumières, un peu plus dans les Readers Digest de la table de chevet du père.
Il y eut pourtant un tas de livres à la couverture en carton fort, d'un vert bouteille, donné par un grand-oncle érudit, que j'ai dévoré sans vraiment comprendre ce que je lisais. Un de poésie, plus particulièrement, m'a marqué: pages jaunis tendance marron, sans couverture, j'y apprend par cœur 'Ecoutes bûcheron, arrêtes un peu le bras, ce ne sont point des arbres que tu jettes à bas…' de Ronsard, et 'l'Ane et le Crapaud' de Victor Hugo se grave dans ma mémoire.
Heureusement qu'il y a un prof en quatrième et troisième pour me valoriser dans la seule matière où je puisse exceller. Que serais-je devenue sans ce coup de pouce pour le rehaussement de l'acceptance du soi? Ah si j'avais été bonne en mécanique comme les frangins ou devenir une tricoteuse extraordinaire comme l'ainée des filles, voire m'effacer comme la dernière et faire tout bien sans jamais 'rock the boat' (faire pencher la barque!). Mais je n'ai toujours eu que les mots… sans doute ceux de la petite littérature, parce que la grande, on nous l'a bien fait sentir "ça ne peut pas sortir de gens comme nous". Imitez bien sûr, faites de l'exercice de style, mais vous ne serez jamais un Ronsard, Rimbaud ou Rabelais, même pas une Georges Sand au rabais.
On n'a jamais voulu ça, on a simplement voulu dire. On a voulu nommer le mal pour le guérir, que ce soit envie, jalousie, appât du gain ou simplement le mal de vivre qui ne prévient pas, qui arrive, qui vient de loin…
Mais il n'est pas bon de dire, de montrer les dessous d'une vie qu'on redore en blablasons de tout va bien dans les chaumières. Oh toi, tu vas toujours chercher midi à quatorze heures. Oserais-je rétorquer que c'est bien midi à quatorze heures à l'heure d'été, qu'on me dira que je cherche toujours à avoir le dernier mot, à faire ton intelligente.
J'aurais pourtant juré que la Cosette des Misérables avait été copié sur la vraie vie (c'est quoi l'autre?) et que Balzac avant de réclamer le docteur fictif de ses élucubrations romanesques sur son lit de mort s'était bien inspiré d'observations d'êtres de chair et de sang dans son entourage.
Mais la Grande Littérature, je n'aurais jamais osé aller l'étudier plus loin qu'un bac qui est bien suffisant pour démarrer dans la vie quand d'autres n'ont eu que la chance du Certificat d'Etudes... et encore.
Alors ça veut dire que j'y croirais après tout à cette différence de grandes et petites déblatérations par des plumes plus où moins bien taillées selon que de l'oie où de la loi elles s'inspirent. Ou comme l'a si bien dit un Renard dans ses Histoires Naturelles: –Noble dinde,[lui dis-je], si vous étiez une oie, j’écrirais votre éloge, comme le fit Buffon, avec une de vos plumes. Mais vous n’êtes qu’une dinde... J’ai dû la vexer, car le sang monte à sa tête. Des grappes de colère lui pendent au bec. Elle a une crise de rouge. Elle fait claquer d’un coup sec l’éventail de sa queue et cette vieille chipie me tourne le dos.
Avouez que ça sent la grande littérature la plume du Jules et pourtant je n'en ai que Ferry… pardon que faire. Quand même, je reviens toujours à ma basse-cour.
Je lis de tout. Je ne choisis pas toujours bien, mais certains livres m'ont arraché à la gravitation grave of the graves. Souvent dans une langue que je n'ai pas balbutiée. Je me souviens de l'envol en lisant The woman warrior de Maxime Hong Kingston (La guerrière) et du souffle coupé en traversant les pages de By Grand Central Station I sat down and wept (Je me suis assise et j'ai pleuré à la Gare Grand Central) d'Elizabeth Smart. En français, je n'ai jamais trouvé l'équivalent du Petit Prince pour m'envoler l'âme, sauf peut-être L'homme qui plantait des arbres de Giono suivi de près par le Scaphandre et le Papillon de Bauby.
De toute façon il faut bien classer et classifier sinon comment s'y retrouveraient les bibliothécaires et depuis qu'a partir de Darwin on a voulu nommer plantes et animaux en les distinguant en espèces distinctes, ça a une répercussion sur toutes choses.
Ça me suffit d'aimer ce que j'aime sans définir si c'est du grand ou du petit.
Dernière édition par sprite le Mar 11 Mai 2010 - 0:31, édité 2 fois | |
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Flamm Du Kalé'reporter
| Sujet: Re: ... ce que j'en dis... Dim 9 Mai 2010 - 22:17 | |
| - Citation :
- Ça me suffit d'aimer ce que j'aime sans définir si c'est du grand ou du petit
Le plus important étant que tu aimes ! Très beau texte. | |
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Sel Maîtrise le sujet
| Sujet: Re: ... ce que j'en dis... Lun 10 Mai 2010 - 9:32 | |
| Quand je te lis, je me rends mieux compte que jamais de la chance que j'ai eue d'avoir une mère qui m'a amenée toutes les deux semaines à la bibliothèque du quartier...J'avais le droit de prendre ce que je voulais (enfin, du moins, il ne s'est jamais trouvé qu'elle m'a interdit d'emprunter tel livre ; sauf une fois ! (en fait, elle voulait juste me l'offrir pour mon anniversaire)) A vrai dire, je crois que j'ai passé mon enfance à lire, c'est bien simple. Et je ne sais pas ce que c'est que de lire en cachette, du coup. Je suppose qu'on y retire un plaisir particulier aussi, le goût des choses interdites... (il est heureux que tu aies croisé ce prof, en effet ) | |
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Joe Krapov Maîtrise le sujet
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Plumentête Kalé'reporter
| Sujet: Re: ... ce que j'en dis... Lun 10 Mai 2010 - 19:10 | |
| Ben après ça, je n'ai plus rien à dire du tout, une fois de plus tes mots grands et petits, me scotchent par leur justesse et par leur beauté. Et en plus tu lis en français et en anglais et ce bilinguisme m'épatent à chaque fois que je le rencontre. | |
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madeleinedeproust Maîtrise le sujet
| Sujet: Re: ... ce que j'en dis... Lun 10 Mai 2010 - 19:12 | |
| Tout comme Plume! (ouais je sais c'est pas original, mais bon on fait ce qu'on peut et en ce moment j'peux peu!) | |
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sprite Kalé'reporter
| Sujet: Re: ... ce que j'en dis... Mar 11 Mai 2010 - 0:36 | |
| Merci a tous de vos coms - Plumentête a écrit:
- Et en plus tu lis en français et en anglais et ce bilinguisme m'épatent à chaque fois que je le rencontre.
Plume, nous oublions souvent que la plupart de nos parents etaient/sont bilingues. La plupart des patois n'ont ete eradiques que recemment. Bien sur, ce n'etaient pas des langues ecrites, mais il n'y a pas grande difference. J'admire bien plus ceux qui sont bilingues dans des langues sans racines communes tandis que l'anglais et le francais ont, sans en avoir l'air, enormement de ressemblances. | |
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