- Dis, Mamie, tu me racontes l’ « histoire du vélo » ?
- Encore ! Mais tu l’as entendue au moins 20 fois cette vieillerie, t’en as pas marre ?
- Mais non, et puis j’ai promis à mon copain Dédé que tu nous la dirais, il attend, tu comprends ?
Je crois même qu’il est venu jouer avec moi un peu pour ça, j’suis pas sûr, mais…
- Tu devrais mieux choisir tes amis, tu sais. Bon, puisque Dédé est là pour ça, allons-y.
La mamie se lance :
- C’était il y a longtemps, bien avant que tes parents ne naissent. J’étais toute jeune en ce temps là et je m’étais entichée de Célestin, qui allait plus tard devenir ton Papy.
Mes parents ne regardaient pas d’un très bon œil Célestin.
Ils le trouvaient trop original, pas assez convenable, et dieu sait quoi encore ! En bref : ils ne l’aimaient pas et m’interdisaient de le fréquenter.
Mais moi je ne voulais que lui, et personne d’autre.
Alors un jour, nous avons trouvé une astuce pour que je puisse m’échapper de la maison quelques heures avec mon amoureux.
J’ai prétexté une visite urgente chez une amie souffrante en précisant que je m’y rendrais avec un nouveau moyen de locomotion : le vélo taxi.
Un peu étonnés, mes parents, bien que méfiants, ont laissé faire.
A l’heure dite, mon Célestin s’est posté sur son vélo en bas de chez moi.
Une grande casquette lui mangeait le visage, il était impossible de le reconnaître. Sur son vélo, une pancarte accrochée au cadre indiquait « taxi ».
Nous sommes alors partis, heureux d’être ensemble et libres.
Mais manque de bol, alors que nous descendions une rue à fond les manettes, en rigolant comme des baleines, nous avons croisé un agent de police qui faisait sa ronde.
Toi qui lis Gaston Lagaffe, tu connais Longtarin, avec sa cape bleue, un œil sur la montre et l’autre sur l’horodateur ! Et bien là, le même ! Vieux garçon, coincé, frustré, et né pour punir ceux qui s’amusent !
Ça n’a pas manqué, le triiiittt de son sifflet a retenti, nous obligeant à nous arrêter.
Jamais le dernier pour une blague, Célestin s’est alors tourné vers moi et a lancé, sur un ton précieux : « Ma chère, vous reprendrez bien un peu de poulet », l’œil pétillant et le sourire au coin des lèvres.
Longtarin bis n’a pas apprécié du tout et nous a amené au poste en prétextant outrage à agent, ce qui, il faut bien le reconnaître, n’était pas tout à fait faux !
C’est au poste de police que nos familles se sont connues.
La suite est une autre histoire, que je vous raconterai un autre jour…