Depuis leur départ matinal, les trois compères sont confrontés à une indéniable curiosité .
Cette maison qu'il leur semble connaitre n'a pas pour habitude d'être ouverte à tous vents , notamment le portail d'accès à la cour. Redoutant les intrus, ou craignant la fuite inopinée de l'un de ses occupants vers quelque destin téméraire, la propriétaire des lieux veille attentivement au grain, refermant inexorablement cette issue, empêchant ainsi toute entrée silencieuse … Car en bon portail qui se respecte, l'ouverture et la fermeture s'accompagnent d'un grincement caractéristique suivi d'un claquement magistral.
En chef de file incontesté, Chanteclerc risque un oeil sur la cour déserte de tout occupant. Des objets insolites attirent son attention , mais anomalie singulière, la porte d'entrée est grande ouverte ! Certes , le Limousin s'honore de cette devise « Chabaz d'éntra » (finissez d'entrer) , cependant, la tendance sécuritaire a mis du plomb dans l'aile à cette aimable coutume.
Retournant à ses condisciples courageusement abrités derrière le mur précédant le portail , le chef de bande propose une conférence au sommet précédant toute initiative . En quelques bonds rapides, ils seront en lieu sûr derrière les boules de foin soigneusement empilées sous le grand hangar.
- Ne nous laisses pas sur notre faim , interroge d'emblée Grisou , bras droit du chef.
- Oui, ne nous fais pas languir , renchérit Carlita, tendant un long cou démesuré .
- Les objets disposés dans cette cour ne doivent rien au hasard, annonce doctement Chanteclerc, non sans fureter pensivement la couche de fétus de paille d'une patte distraite. Je dirais même qu'ils interpellent chacun d'entre nous dans son égo le plus profond.
- Fichtre ! Je te reconnais bien là, ô grand chef ! Décidément, l'escapade fait éclore des capacités insoupçonnées d'analyse , de psychanalyse même ! Mais, si je peux me permettre, cela va-t-il jusqu'à l'introspection ?
- Incontestablement, mon cher Grisou : le couteau à la lame rougie et ce bâton court ressemblant à un gourdin m'apparaissent comme les instruments de la divine justice qui pourraient clôturer l'inévitable procès consécutif à la fugue dont je serais jugé hautement responsable . Quant à toi, tapette tendue et croquettes symbolisent à l'envi le rôle duquel tu ne devrais pas, sinon à tes risques et périls, te départir …
- Et moi dont on ne tient aucun compte des avis , je ne saurais qu'être considérée comme une comparse, bref, princesse consort par excellence, susurre l'innocente Carlita.
- Aux Innocents, les mains pleines ! Ironise suavement le Grisou .
- Oui, et ces bijoux ostensiblement déposés près de ce plat de salade ne t'interpellent-ils pas ?
- Oui, mon chef adoré, je vais de ce pas concocter une chanson nostalgique ...
Et chacun des trois fugueurs de s'enfermer dans une méditation fertile, le soleil de plomb étant escamoté par ombre et paille protectrice.
… Nous ne manquerons pas de vous rendre compte dans un prochain épisode de leur réflexion individuelle qu'enrichira la discussion collective.
Ces "dialogues de bêtes" sont une mise en bouche savoureuse qui augure d'une suite palpitante (J'aime beaucoup le long cou démesuré de Carlita, ça me rappelle quelqu'un )
Alliance improbable que la coalition de ces trois créatures fort dissemblables … Si ce n'est les chagrins récents mettant du vague à l'âme et rendant possible cette évasion du train-train quotidien.
Tenez , moi par exemple, Chanteclerc, comme vous le voyez, je ne suis pas au mieux de ma forme. De mes démêlés avec Gastounet, concurrent déclaré à ma succession de chef du parc, j'ai laissé le panache qui faisait ma fierté. Il en résulte une perte de confiance chez les gallinacés comme le démontrent les sondages successifs.
D'aucuns , tels Gastounet chef de l'opposition, prétendent que mes choix s'avèrent désastreux, favorisant les nantis au détriment du plus grand nombre. Mais que voulez-vous, charité bien ordonnée commence par soi-même... et ses petit(e) ami(e)s . Elle est si fringante cette poulette qu'il est bien normal que je lui accorde la meilleure niche pour y déposer ses trésors... Et que je me sois octroyé une augmentation de ma pitance habituelle, quoi de plus normal ?
Et pour récompenser les pondeuses alimentant le POQ (plat d'œufs quotidien) ?
Que diable, elles n'ont qu'à gratter plus !
Là où le bât blesse, c'est que ma gouvernance est de plus en plus mal supportée, les manifestations d'hostilité tendent à se multiplier, malgré mes cocoricos à modulation variée en fonction des conseils dispensés par mes collaborateurs éclairés.
A ce propos, Grisou, qu'on qualifie d'éminence grise, est à l'origine de notre escapade. Il considérait qu'une éclipse de la scène médiatique pouvait s'avérer profitable pour redorer un blason quelque peu terni. Le sien y compris, car son triomphalisme de matou prédateur de souris passe pour présomptueux.
Oui, bien sûr, il a toute ma confiance. Cependant, son allégeance sans faille envers les maîtres des lieux qui dispensent notre pitance me fait douter de sa fidélité à tout crin : n'est-il pas plus attaché au système qu ' au chef du moment ? Dans notre fugue improvisée, il pourrait bien nous faire tourner en rond, à moins que ce soit en bourriques …
Et Carlita ? Le ralliement de la compagne de Gastounet pourrait apparaître suspect, mais la tentation était si grande de déstabiliser l'opposition ! Et elle a une si belle voix … Quoiqu'elle ait une certaine tendance à rabâcher , mais n'a-t-elle pas dit que sa prochaine chanson ferait dans la nostalgie ?
Voilà qui me ramène à la disposition d'objets hétéroclites dans cette cour . Couteau et gourdin sont des indices à ne pas négliger. N'est-ce point le signe qu'il vaut mieux regagner nos pénates après notre périple ? J'avoue que le concours de Grisou sera déterminant pour retrouver notre voie ...
Excellent Évidemment, je ne vois aucun rapport avec des personnages existants Chanteclerc sera-t-il détrôné par un matou Grisou rusé? J'attends la suite
Pour rester dans les volatiles , ne serais-tu pas pigiste dans un journal qui fait "coin-coin" ? En tout cas, je me demande comment va évoluer leur escapade
Certitude , c'est bien le comportement des volatiles et autre félin qui a inspiré l'auteur, mais peut-être y a-t-il eu confusion au moment du transfert de l'image au texte ?
Le thème de la consigne m'a de suite imposé ce rapprochement avec les animaux que nous observons au quotidien.
Mais je l'affirme haut et fort , toute ressemblance avec des personnages existants serait purement forfuite
C'est exactement ce que je t'avais mis comme comm'... Tu as donc intérêt à suivre l'actualité de près... Pas facile en cette période de vacances ou alors vas-tu anticiper ?Je suis curieuse
Sont-ils naïfs pour croire ma parole de matou ! Allais-je troquer insécurité contre quiétude assurée , soliloque Grisou dans ses moustaches .
En rentier avisé , il apprécie à sa juste valeur sa gamelle quotidienne bien pourvue en croquettes au foie, ses préférées . Mais alors pourquoi s'embarquer dans cette galère ? Car fuguer en compagnie d'une oie cancanière et d'un coq à l'arrière-train dépourvu de son panache est une aventure fort hasardeuse … Mais Grisou est adepte d'une théorie vérifiée : tout changer pour ne rien changer !
En l'occurrence, il était opportun de laisser croire à son congénère et néanmoins adversaire impitoyable, Félix, le greffier du voisin, fort irascible au demeurant, que la voie était libre pour gagner la suprématie chez les minets des deux sexes dans le quartier. et s'accaparer le monopole des généreux donateurs de croquettes.
Chanteclerc qui croit dur comme fer à la pérennité de son mandat, a bien raison de se méfier du couteau accompagné du gourdin . Lui, le matou, il sait combien les maitres apprécient le coq au vin alors que l'idée de civet de chat ne les effleure même pas, tant ils prisent ses câlineries ronronnantes. Il n'a pas été sans remarquer la fin récurrente des coqs des années passées: repas de famille, galettes de sarrasin et tutti quanti …
Carlita la commère, ignore qu'il existe une variante passant par lame affilée susceptible de faire gicler le sang: l'oie à la broche ne dépare pas certains repas festifs …
Quant à la tapette au fromage si alléchant pour souris en tous genres, le message est clair : on pourrait bien se passer de son concours pour réduire le nombre de ces charmantes bestioles dont la consommation ponctuelle apporte une variance bien utile au pelage de matou … mais qui demandent patience et longueur de temps alors qu'il est si facile, dés qu'on a un petit creux, de déguster, confortablement installé, les fameuses croquettes au foie.
En hypocrite Grippeminaud, Grisou a convaincu Chanteclerc et Carlita qu'ils partaient pour des horizons inconnus. Ne dépassant jamais le portail de leur parc, ils ont été enchantés par moultes découvertes : ici , un champ d'une plante suspecte, là un quadrupède ressemblant à un chien, mais dont Salsa ne ferait qu'une bouchée, plus loin un animal rampant sous un fardeau coloré qu'on ne peut point picorer. Bref, tabac, Pinscher nain et tortue ont suffi au dépaysement de Chanteclerc et Carlita.
En guise de périple, les trois fugueurs n'ont pas accompli le Tour de France, mais si le tour du propriétaire suffit à leur bonheur respectif, faut-il aiguiser leur envie de vacances exotiques par je ne sais quel dépliant publicitaire multicolore ?
Non point ! Chacun son horizon selon ses moyens …
Cependant, il reste à assumer les conséquences de cette fugue fort agréable, mais non autorisée . Ce n'est pas lui qui risque de laisser des plumes dans cette affaire...Et lui, le matou, il saura bien sortir les marrons du feu à son profit !
L'actualité m'oblige à différer à une prochaine édition "La princesse consort"
- Rentre donc ces bestiaux au parc, me dit ma moitié, qui n'apprécie pas le désordre, notamment au poulailler. A galoper en tous sens, ils tentent le renard …
- Oui, la fugue a assez duré !
Soudain, une voix à l'arrière de la maison...
-Ces beaux granulés, les avez-vous mérités ? Je vais m'en assurer. Rien ne saurait justifier les privilèges. Au besoin, nous allons instaurer une taxe au granulé consommé .
- … Cot ? cot -cot... cot co dec ! Vient de répondre un jeune volatile fort offusqué de ces propos outranciers.
- Après les gens du voyage, ce serait notre tour ? Semble-t-il rétorquer .
Était-ce le Claude qui, selon son habitude, exprimait tout haut ses états d'âme ? Comme, l'autre jour, quand il apostrophait copieusement les doryphores qui, comprenant le message, se hâtaient de déguerpir pour envahir mon carré de patates …
Non ! Vous n'y êtes pas ! Juché sur un seau retourné, un homme, nanti d'un mouvement d'épaule caractéristique, haranguait les jeunes gallinacés installés là , dans le petit parc, une heure plus tôt.
- Monsieur le Président, (hé oui, c'était lui !) . Malgré tout le respect que je vous dois, je vous signale que ces bestiaux sont dans ma propriété. Il ne vous appartient pas de les traumatiser par des discours autant insensés qu'injustifiés !
- Casses-toi ! Pardon , l'habitude … Non, je tentais seulement de faire prendre conscience à ces profiteurs par temps de crise. Chacun se doit de mettre la main au porte-monnaie ou, en l'occurrence, la patte au jabot, et verse, en guise de solidarité, ne serait-ce qu'un écu symbolique...
- Tarata ! S'exclame Chantecler, oubliant son tonitruant cocorico, et après une fuite éperdue au travers du parc retrouvé. Oublieriez-vous que nous sommes le 4 aout ?
- Un coq qui parle ! Diable ! Je vais demander à Christine de soumettre une loi au Parlement, il y a là une rareté qui ne doit pas échapper au fisc … 4 aout ou pas, ça n'y change rien, coq à la triste mine !
-Triste mine ? Vos restrictions successives en matière de santé m'interdisent l'accès au médicament adéquat susceptible de donner à mon plumage une allure convenable... Décidément, vous n'avez rien retenu de l'histoire ! L'abolition des privilèges, ça ne vous dit rien ?
M'engouffrant dans la brèche ouverte par mon ami Chantecler, prenant mon courage à deux mains, je formule une proposition qui me paraît s'imposer:
- Oui, Monsieur le Président, à l'instar des Duc d'Aiguillon, Vicomte de Noailles et de Beauharnais et autre Évêque de La Fare prônant l'abolition des privilèges @. Dans votre proche entourage, il en est qui pourraient s'illustrer par leur esprit magnanime, par exemple: * affréter un Jet privé pour bénéficiaires du RSA désireux de se dépayser par un séjour aux Seychelles sur l'ile dont nous a parlé la télé * attribuer, en guise de logement permanent, l'hôtel de Neuilly sur Seine et la villa de Majorque aux sans-abri de la région parisienne * offrir à des smicards méritants, à tour de rôle selon la contenance du modeste bateau , une croisière de huit jours sur le Paloma de Vincent B. * ou encore, à parts égales sur la cassette de Liliane, octroyer un million d'euros au Secours Catholique et Secours Populaire et peut-être un milliard pour les caisses de retraite.
- À ce sujet d'ailleurs, Monsieur le Président, n'hésitez pas à demander conseil à Eric. Il saura vaincre la timidité naturelle des possédants à faire étalage de leur patrimoine ...
Vous le comprendrez : l'auguste personnage ne pouvait pas répondre sur le champ à cette intéressante proposition. Timidité ?
Catsoniou, ta saga est un régal d'écriture, d'humour, de finesse et de traits d'esprit bien envoyés ! Il faut être au courant du "paysage" français pour tout saisir et en tant que belge, certains animaux m'échappent... Si tu le peux, explique-moi par MP si tu ne veux pas tout dévoiler ici !
catsoniou, je crois que tu détiens les clés, non pas de la saga de l'été, mais de celle de l'année ! Bien entendu, je suis prête à te lire jusqu'au bout !
C'est pour quand l'épisode de "La princesse qu'on sort ? "
Silhène a écrit "C'est pour quand l'épisode de "La princesse qu'on sort ? " et moi je me demande à quand l'épisode de Carlita au long cou devant la caméra de Woody le vieux hibou ?
Carlita est une bonne fille qui, malgré son bec menaçant au bout de son long cou tendu à l'approche de tout danger réel ou imaginaire, ne ferait pas de mal à une mouche. Elle se contente d'acquiescer bruyamment à toute parole de Gastounet, son compagnon. On peut ainsi traduire leur dialogue:
Qui arrive par ici ? Oui, par ici, ici ? Etes-vous les bienvenus ? Bienvenus, venus ? Passez votre chemin ! Machin, machin
…
( Un peu dure d'oreille, elle déforme parfois les sages propos de son ami.)
Ami ? Nouvel ami, devrait-on dire. Elle a succédé à Sidonie , morte de vieillesse l'an passé. Le chagrin de Gastounet a disparu comme par enchantement à la vue de la sémillante Carlita.
Des héritiers devaient concrétiser leur union. Consciencieusement, un bon mois, elle a couvé ses œufs. Hélas, aucun jeune oison n'a daigné pointer son bec à l'issue de cette incubation...
Ce qui n'a pas manqué de jeter un froid dans leurs relations, chacun rejetant sur l'autre la responsabilité de l'échec. Terrain propice à la proposition de fugue du Grisou , sans, bien entendu, en piper mot au Gastounet.
Et la tête sous l'aile, confortablement installée sur la paille, Carlita rumine, pardon improvise le couplet qu'elle ne manquera pas de murmurer à son seigneur et maître , car elle s'en doute, la fugue est sur le point de se terminer, et des mots tendres apaiseront le courroux du mâle délaissé.
Vilaine, vilaine, J'ai cédé au chants des sirènes. Pour un plumage multicolore, La promesse de partage d'un trésor Et les honneurs dus à la princesse consort.
On ne m'a pas dit , Non, on ne m'a pas dit …
Le voyage n'était que mirage, Les bijoux, c'était du toc; Je ne suis que la cinquième roue du carrosse, Chantecler et Grisou ne sont que des rosses, Je ne serai pas leur Fée Carabosse.
On ne m'a pas dit, Non, on ne m'a pas dit...
Mais maintenant je sais ! Rien ne vaut la providentielle salade. Qu'ai-je besoin de bijoux ? Dans mon parc, Je vais retrouver mon jars.
Et pour l'oie à la broche, Il vous faudra attendre Noël ...
Et bien, il y a du senssas' à publier dans " Voici" et " Gala" ! Carlita n'est pas une oie blanche ! J'adore sa nouvelle chanson, je sens bien qu'elle la murmure à mon oreille....
Tu devrais proposer ta saga au "Canard enchaîné" !
La dinde pour Noël , ce n'est peut-être pas une si mauvaise idée ? N'est-ce pas Carlita, qu'un sursis serait le bienvenu ? Cela nous amènerait pour le prochain Noël aux portes de 2012 ?
... Et si je devais noter ma contribution, je m'accorderais un mauvais point ! Au coin, catsoniou, vilain garçon.
Sujet: Courage, fuyons ! 
Sam 17 Juil 2010 - 9:47
) 
Évidemment, je ne vois aucun rapport avec des personnages existants 
, ne serais-tu pas pigiste dans un journal qui fait "coin-coin" ? 
vilain garçon. 
