De toute ma jeune vie, la personne que j'admirais le plus, était juste là. Elle était insolente mais respectueuse, courageuse mais pas acharnée. Un rire cristallin. Un art de vivre que je lui enviais.
Au fil du temps, des rides avaient parsemé son visage comme des étoiles avaient parsemé mes pupilles. Je ne voyais que ce sourire à toutes épreuves. Puis les rides s'étaient accentuées, mes étoiles s'étaient transformées en respect. En profond respect. Réciproque de surcroit. Et j'en étais fière.
Elle était là. Devant moi. Faible de corps, encore plus forte d'esprit. Affrontant cette descente de vie avec une sagesse mêlée angoisse.
Elle avait, petit à petit, fait ses adieux à ce qui avait fait d'elle, la fierté de son existence. Un jour pourtant, après une visite dominicale, elle me retint un instant à part. C'était une semaine avant son déménagement en maison de retraite.
Au fond de son tiroir de buffet. Oui, le grand buffet du salon avec les poignées en cuivre. Oui, dans ce tiroir, le troisième à gauche, il y avait une petite boite en carton.
Elle me confia que ma mère ne devait le trouver en aucune façon. Je devais le trouver, ne pas l'ouvrir et le brûler sans plus de question. Je fus surprise. Presque un peu choquée. Je lus ma réaction à travers le voile de déception qui traversa son regard.
Qui y avait-il dans ce petit carton aux odeurs de naphtaline ? Pourquoi devait-il rester secret ? Avais-je le droit de trahir ma mère ? Avais-je vraiment l'envie de savoir ? Avais-je vraiment le droit de savoir ?
Autant de question qui restèrent sans réponse; je ne demandai rien à personne, et j'accomplis ma mission dans un silence absolu. Chacun à sa part d'ombre, la lumière ne peut pas être toujours là. Et je me devais de respecter cette tâche d'ombre au mieux de mon soleil.