J’étais parti sans laisser la moindre trace.
Je désirai quitter Paris, son brouhaha incessant, son ciel gris et mon travail stressant.
J’avais vendu l’appartement, et donné à Emmaüs tout ce qui le meublait. Je ne voulais rien prendre.
Ma réussite fulgurante n’avait pas rassasié mon désir de vivre à cent à l’heure, ni ce besoin de repousser toujours plus loin mes limites.
Entré simple pigiste dans ce grand hebdomadaire parisien, j’en avais gravi les échelons en quelques années. Je me retrouvai à quarante ans à la tête de la rédaction. .
Célibataire, sans enfant, j’avais consacré vingt ans à ce travail passionnant, mais exigent.
Et malgré cette réussite, les amis, les voyages, j’avais la sensation d’avoir autre chose à vivre.
Puisque j’avais fait le tour de cette vie, puisque courir sans cesse ne m’avait pas apaisé, j’eus tout à coup l’irrépressible envie de vivre autrement, autre chose et ailleurs.
C’est ainsi que je plaquai tout, amis, travail, famille.
Je tournai la page, je refermai le livre, de la première partie de ma vie…..
Septembre 2010 : Andalousie, Molino, un petit village perdu à quelques kilomètres de l’Embalze de Zahara:
Pourquoi ici ? Par le hasard qui a guidé mon doigt sur une carte d’Europe à cet endroit précis.
Ouvrir un autre livre, raconter une autre histoire : même personnage, autre lieu, autre vie, autres envies.
Tout comme le village, la maison s’est imposée à moi comme une évidence.
Derrière un mur et une épaisse porte en bois, je ne pouvais apercevoir que la fenêtre, haute et située plein sud. Avant de la visiter, je savais que je lui appartenais déjà.
Elle était en vente, et moi en manque d’un toit. L’affaire fut conclue rapidement et j’emménageai quelques semaines après. Je la meublai d’un tas de vieilleries chinées çà et là dans les brocantes alentour.
Peu à peu je l’apprivoisai ; au rythme des gens du pays : lentement, passionnément.
Pour la première fois de ma vie, je me sentais bien, simplement bien, divinement bien.
J’avais jeté ma montre à la poubelle et vivais au rythme des journées, retrouvant peu à peu un sens à mon existence, conscient que je vivais en quelque sorte les premiers jours du reste de ma vie…
Cela faisait deux mois que j’étais installé et je n’aurais pour rien au monde échangé ma place.
Je m’étais installé dans le patio, sous un olivier centenaire.
A moitié couché dans un vieux fauteuil d’osier, l’ordinateur posé sur mes genoux, le chant des oiseaux en musique de fond, j’entamai l’écriture du second chapitre de mon livre :
Je crus voir une silhouette glisser le long du mur…