Je suis une mère poule pour le meilleur. Le pire, ce sont les copines qui ne me laissent jamais tranquille, toujours à me taquiner, à me jalouser, ou à m’assommer de conseils ridicules pour l’éducation de mes poussins à venir, Comme si, moi, je n’y connaissais rien…
Ce sont de vieilles grosses dindes défraîchies qui caquettent toute la journée et colportent d’une cage à l’autre tous les ragots de bas quartier avec les concierges du poulailler d’en face.
Plus aucun mâle à plumes ne bandent pour elles.
Je suis une mère poule et j’assume mes responsabilités.
Dès que j’ai pondu mes œufs, je ne suis à prendre qu’avec des pincettes et encore, en dehors de mes heures de couvée c'est-à-dire jamais pendant au moins vingt jours et vingt et une nuits.
Il le sait mais ne s’y fait pas. Il rouspète, me reproche de ne penser qu’à ma progéniture et pas à lui, il a même tenté un jour de me déloger de mon nid.
Mal lui en a pris car je l’ai piqué si fort qu’il en a perdu des plumes… à ne plus savoir voler jusqu’au sommet du clocher de l’église.( Le curé était fou furieux.)
Et pour se venger, Monsieur s’est alors acharné sur toutes les poulettes disponibles jusqu’à s’en taper une toutes les deux minutes. Le curé était scandalisé ( en voilà des manières pas très catholiques).
Je m’en fous . Je suis cocue et alors ? Que toutes ces demoiselles à tête vide et postérieur ébouriffant passent à la casserole, cela ne me fait ni chaud ni froid du moment que lui, me laisse couver en paix.
Après trois semaines de longs jours et nuits sans baise et sans sommeil, je suis enfin sortie de mon trou me dégourdir les pattes, le temps de voir le soleil se lever et d'entendre le coq chanter. Cela faisait longtemps...
Mes jeunes diablotins à duvet jaune en ont profité pour manger le cordon ombilical, sortir de leur coquille et foutre le bordel dans tout le poulailler.
Eux aussi voulaient voir ce qu’il y avait dehors.
Quand je suis rentrée, c’était la pagaille en désordre complet de plumes et de paille et ca criaillait de partout. . .
La fermière avertie par le chahut et arrivée en courant, tentait à coups de bâton, d’amener sous sa jupe et sous son toit, ce nouveau petit monde complètement déboussolé.
Alors là, j’ai pété un plomb et j’ai vu très rouge. Et prenant mon élan, j’ai foncé comme une brute enragée, droit sur le cul de la fermière et je lui ai fait une de ces prises de becs pour qu’elle ne l'oublie jamais.
Il ne lui reste que la peau au coccyx et quelques poils. C’est pas beau à voir.
De là , à ce que je me retrouve ligotée sur le porte bagage du vélo du vacher… et conduite et enfermée dans un asile de gallinacées surexcitées. C’est complètement fou.
Il y a de l’hystérie dans l’air , j’ai pensé… et tout çà parce que je suis seulement une bonne petite mère poule.
« Y a plus de morale, Monsieur le curé ! » Je porterai plainte ….
Mais le plus fou, je l’ai appris plus tard d’une de mes vieilles grosses copines, (les dindes dont je vous parlais au début) c’est que le soir , mes poussins chéris ont passé leur nuit sous les plumes de leur père.
Ah je suis fière de mon coq.
Cela m’a un peu consolée.