Il était une fois dans un drôle d’atelier, un petit bonhomme discret qui ne payait pas de mine. Personne n’aurait su lui donner d’âge, tant son apparence paraissait pleine de vitalité, et ses yeux pleins de sagesse et de vécu.
Bien que peu enclin à se mêler à la vie de ses semblables, il appréciait néanmoins leur présence, et leur simplicité joyeuse.
Retirée à l’écart du village, sa modeste cabane de bois et de pierres ne souffrait pour tout vis-à-vis que de belles prairies bordées de profondes forêts et portant loin sur l’horizon.
Tous les habitants alentour l’estimaient, et chacun s’accordait à dire que son savoir-faire unique leur assurait espoir, chaleur et renouveau.
— Il faut le protéger, cet homme est trop précieux, affirmaient les uns
— Laissons-le plutôt libre comme l’air, rétorquaient les autres, c’est là que son cachet, son remarquable talent, s’expriment le mieux.
Le petit homme n’avait cure de ces polémiques, qui affrontaient sans violence deux équipes opposées mais néanmoins solidaires.
Peu de temps avant la troisième lune suivant la nuit la plus longue de l’année, le petit homme s’activait étrangement dans sa maison.
Il ne côtoyait plus personne, se mettait à marmonner d’étranges paroles, en tenant en permanence un bouquet de graminées séchées.
Le manège durait ainsi plusieurs heures jusqu’à ce qu’un orage éclate subitement et perce d’un coup de foudre le ciel gris et froid.
Et voilà que le moment tant attendu par tous arrivait : les jonquilles et autres fleurs précoces commençaient à sortir de terre et coloraient la campagne, les premiers chatons des saules pointaient leur nez.
Printemps, car c’est ainsi qu’il se nommait, riait alors aux éclats et d’un air heureux partait annoncer le retour de la belle saison.