« T’es cap ou t’es pas cap ?
- Cap !
- Alors prouve-le ! »
Un petit groupe se forme. Nez en l’air tout le monde suit la progression des deux cousins dans l’ascension du pinsapo.
Des adultes, intrigués par le rassemblement, se joignent aux enfants. Sourcils froncés, ils surveillent les deux risque-tout, les exhortant à faire attention.
Le premier cousin cale aux deux tiers de l’arbre. Le second atteint le sommet après ce qu’il nous semble être une éternité. Il me semble si petit tout là-haut !
Le soir, les ordres des adultes sont clairs. Plus question de grimper au pinsapo à moins d’avoir 16 ans et les deux bacs. Ce qui exclut d’office les 2/3 tiers des cousins et notamment moi l’avant dernière de cette tribu de quinze. (Vous ne pouvez pas savoir tout ce qui est interdit à ceux qui n’ont pas 16 ans et leurs deux bacs : grimper au pinsapo, marcher sur le parapet surplombant le jardin, sauter dans le bassin du haut du mur….)
A défaut de pinsapo, des 16 ans et des deux bacs, il y a MON arbre là-bas dans l’autre domaine familial. Un sapin bien moins haut et bien moins impressionnant que le pinsapo d’ici, mais c’est MON arbre, là où j’ai construit ma cabane en bambou.
Cap ou pas cap ?
Pas de cousins pour m’aiguillonner. Personne pour me regarder. Je suis seule au pied de MON arbre.
Cap ou pas cap ?
Je dépasse allégrement mon point d’ascension habituel. Une certaine excitation me gagne. Dans ma tête, le conseil en boucle de mes cousins « Trois appuis. Toujours garder trois appuis fermes pour bouger le quatrième »
Cap ou pas cap ?
J’hésite. Mes yeux cherchent le chemin parmi les branches de plus en plus fines. Je m’efforce de bien caler mes pieds à la racine des branches, tout contre le tronc.
Cap ou pas cap ?
Mon cœur bat plus fort dans la poitrine. Mon souffle s’accélère. Mes jambes tremblent alors que les branches plient sous mon poids.
Cap ou pas cap ? CAP !
J’y suis ! J’enserre de mes deux bras le sommet de l’arbre. Le moindre souffle de vent le fait se balancer, m’emmenant dans sa danse. Je tangue ! C’est à peine si je regarde le paysage, tant j’ai la trouille au ventre.
Vite ! Redescendre de quelques branches pour savourer ma victoire !
(Des dizaines d’années après, l’ascension du pinsapo reste encore et toujours un souvenir fort chez tous les cousins. Pour ma part, j’ai tenté adulte d’y grimper mais …sans aller très haut !)