Arbres du monde

Tu vois petit, j’ai habité bien des endroits dans le monde. Je suis né à Lyon, j’ai passé quelques années à Marseille puis ce fut l’Afrique.

J’ai passé des années loin de mes parents en terre de France comme ils disaient. Ça c’était quand l’Afrique est devenue trop dangereuse, en tout cas dans notre région. Les conflits ethniques dégénéraient et certains s’en prenaient aux blancs, alors mes parents m’ont renvoyé en France pour que je sois en sécurité et que je garde une scolarité normale. Mon frère était trop jeune, alors ils l’ont gardé avec eux et sont partis à leur tour mais juste dans le pays d’à côté. J’avais 9 ans et je revoyais la France pour la première fois depuis 6 ans. En fait je découvrais ce pays et je découvrais la pluie et l’alternance des 4 saisons. J’ai atterri en Alsace dans une famille qui n’était pas la mienne mais je m’en suis accommodé.

Deux ans plus tard, mes parents sont revenus en France et nous sommes partis en Bretagne. J’avais déjà la passion des bateaux, alors la Bretagne j’ai trouvé ça génial et je me suis embarqué ensuite sur un crevettier pour naviguer. J’ai retrouvé l’Afrique et le soleil et j’ai toujours gardé ça dans le sang. Puis ça a été la Polynésie, encore le soleil et la mer avant de revenir en France pour faire l’armée.

Des montagnes, j’en ai vu beaucoup et des arbres aussi. Les arbres, ils puisent leurs racines dans la terre où ils se trouvent et ils s’adaptent. En Afrique j’ai vu des arbres incroyables dans des endroits où aucune herbe ne poussait, il pouvait se passer des mois, voire une année sans qu’une goutte d’eau ne tombe et ces arbres résistaient, ils perdaient juste leurs feuilles. A Tahiti, j’ai vu des arbres se mélanger jusqu’à ne plus pouvoir dire où étaient les racines de l’un et de l’autre, à mêler leurs branches et leurs feuilles plus haut que je ne pouvais les voir.

Alors j’ai fait comme eux, j’ai puisé mes racines dans les sols où je me trouvais, je me suis nourri de ce qui m’entourait et j’ai adopté le comportement des arbres. Partout où j’allais je poussais, je grandissais, je me nourrissais de l’air, du soleil, des livres et des gens.
Et tu vois petit, je n’ai jamais connu cet étrange sentiment d’être déraciné. Par contre, je me suis souvent senti seul. Et tu veux que je te dise petit, dans ces moments là c’est aux arbres que j’ai parlé ; parce que ce sont les seuls qui m’ont répondu…